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jeudi 29 avril 2010

L'ÉVANGILE SELON SAINT LUCRE...


Un article très éloquent sur la réalité contemporaine...

L’Évangile selon Saint Lucre
Michel Rioux  -  16 avril 2010



On vit la passion du Christ durant une semaine. D’autres vivent la passion du lucre à l’année longue. Mamelles en quelque sorte du capitalisme sauvage, (au fait, quelqu’un a-t-il déjà vu l’ombre d’un capitalisme civilisé ?), l’appât du gain et la convoitise se portent mieux que jamais dans ce merveilleux monde de la finance et des affaires, accessible seulement à quelques élites choyées qui se ruent vers l’or avec l’acharnement du Coyote sur le Road Runner. À l’exception cependant que dans la vraie vie capitaliste, le Coyote mange allègrement du Road Runner !

Il n’y a que dans les bandes dessinées, et dans l’évangile selon saint Luc,  que les petites gens réussissent, à force de ruse, à échapper à l’appétit féroce des prédateurs en tout genre. Aujourd’hui comme hier.

Vous souvient-il qu’il y a quelques mois seulement, la grande finance internationale avait le vertige, ayant une patte dans le vide au-dessus d’un précipice dans lequel elle allait immanquablement prendre une débarque qui ne pouvait être que fatale et finale ?

Que s’est-il passé ?

Simples spectateurs, muets et impuissants,  nous avons assisté à ces grandes manœuvres sans pouvoir placer un mot. L’argent public, celui des petites gens, des travailleuses et des travailleurs, celui de leurs caisses de retraite et de leurs impôts, celui de leurs taxes et de leurs cotisations, a été réquisitionné par les gouvernements pour voler au secours de ces prédateurs spécialisés justement dans les vols de haut vol. Des transfusions à grande échelle. Et voilà qu’aujourd’hui, c’est reparti mon Kiki !

Si Michel Chartrand en avait encore eu la force, on l’aurait entendu crier il y a quelques semaines quand la chose s’est sue, dans une indifférence qui en dit long sur l’érosion inquiétante de cette faculté d’indignation qu’il a pratiquée si longtemps, pour notre plus grand bien collectif. Combien les 25 traders des grands fonds spéculatifs étasuniens ont-ils empoché récemment ? 25 milliards $ ! C’est 25 fois plus que la totalité de l’aide canadienne à la reconstruction d’Haïti. 25 personnes, dont une seule, un dénommé David Tepper, a raflé à lui seul 4 milliards $.

Et d’où viennent-ils, ces milliards de gains ? Mais de l’État, mon cher ! Quand les actions et les obligations des banques et des compagnies d’assurance ont piqué du nez, en 2008, Tepper et ses coreligionnaires ont fait le pari que le gouvernement volerait à leur secours. Avec l’argent public.

Et c’est cet argent public qu’ils ont effrontément siphonné, sans pour autant créer le début du commencement de l’ombre d’une quelconque richesse. Cerise sur le sundae : aux USA comme ici, les gains en capital sont moins taxés que ceux tirés des revenus du travail. M. Tepper aura un taux d’imposition moins élevé qu’un salarié au salaire minimum.
Alain Denault, qui a fait le portrait de Paul Martin et de ses paradis fiscaux et à qui on doit Noir Canada, un livre réquisitoire dans lequel il démonte le rôle pas toujours glorieux des entreprises minières canadiennes en terre africaine, vient de récidiver.

Dans son livre récent, Offshore, il « démontre que ces immenses fuites financières ont des impacts désastreux sur nos États démocratiques, les dépossédant de leurs ressources financières et de leur souveraineté politique ».

Il pose la question : Combien de milliers de milliards $ fruits de l’argent sale, de l’économie du crime et de la drogue, des armes convoyées par des navires de complaisance se retrouvent-ils dans ces paradis qui ne sont pas tous tropicaux, mais dont plusieurs ont pour nom Delaware, îles britanniques, Suisse ou Luxembourg ?

Tant il est vrai que ce n’est pas l’argent qui manque, mais la volonté d’aller le chercher là où il se trouve. La voie de la facilité, c’est celle empruntée par Jean Charest : ne pas fouiller dans les poches riches, mais plutôt dans celles des pauvres et de la classe moyenne, s’inspirant d’Alphonse Allais qui disait : « Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres. Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres. »

Et c’est ainsi que le grand vol anguleux des éperviers voraces meuble le quotidien du monde ordinaire. Les poètes sont vraiment des visionnaires….


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C'est Lénine qui disait que
les capitalistes se précipiteraient
pour vendre la corde
avec laquelle ils seraient pendus…



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LE DEVOIR  -  1910-2010
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