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lundi 4 mars 2024

CES ÉOLIENNES PARADOXALES

CES ÉOLIENNES PARADOXALES

 Jean-Luc DION, ingénieur et professeur retraité
Université du Québec à Trois-Rivières

Juin 2023 – mai 2024

1.      Une interrogation…

Quand on regarde l’évolution des éoliennes ou aérogénérateurs au cours des trente dernières années, un ingénieur peut certainement s'interroger sur la fonctionnalité et le rendement de ces appareils gigantesques qui ont parfois des rotors ou hélices ayant près de 150 mètres de diamètre, et dont les trois pales sont d’une finesse remarquable (figure 1). Leur coût de fabrication de tout point de vue est énorme, et de plus, elles sont bruyantes, dégradent le paysage et font disparaitre de précieuses terres agricoles. On peut penser qu’il y a là une situation au moins très paradoxale au plan de l’efficacité énergétique considérant cette configuration…


Figure 1  -  Les nouvelles éoliennes.

2.      Des machines démesurées…

    Les pales d'éoliennes atteignent actuellement des dimensions et des poids qui font sursauter, comme celles-ci :

« À 107 mètres et 110 tonnes métriques, il s’agit des plus grandes et des plus lourdes pales d’éoliennes fabriquées en Amérique du Nord et par le fait même, les plus imposantes jamais transbordées sur un navire[1] »

    Considérons l’hélice avec trois pales de cette dimension qui tourne à 20 tours/min avec un vent de 40 km/h. Ce qui limite la vitesse de rotation d'une telle éolienne et donc sa puissance est la vitesse en bout de pale u qui ne doit pas dépasser la vitesse du son, soit environ 344 m/s à 20oC ou 1238 km/h. Cette vitesse est donnée par :

ω est la vitesse angulaire de rotation en radians/seconde, f est la fréquence de rotation en tours/s et L la longueur de la pale. Soit f = 20/60 = 0,333 tour/s. Avec L = 107 m, on calcule u = 224 m/s, soit 806 km/h, alors que la vitesse du son est de 1238 km/h à 20oC. Sachant que la vitesse à l'extrémité des pales ne doit pas dépasser cette valeur, la fréquence de rotation dans ce cas ne doit pas dépasser (1240/806) x 20 tours/min ~ 30 tours/min. En pratique, elle est limitée à 20 tours/min Donc une période de rotation de 3 secondes/tour. D'où la lenteur apparente de rotation.

    Donc, une pale prend la place de la précédente en 1 secondes. Or, pendant presque tout ce temps, vue la finesse des pales la plus grande partie du vent traverse le plan de l'hélice sans agir sur les pales, ce qui est assez évident ! Alors, quelle est la véritable efficacité de ces machines ?

3.      Puissance maximale d’une éolienne

On sait que la puissance P du vent (énergie cinétique par seconde) à la vitesse v qui traverse une surface S est donnée par la simple formule suivante où d est la masse volumique de l’air qui est d'environ 1,2 kg/m3 à 20oC [2] :

P  =  ½ d S v3     watts (W)                                                          (2)

v est en mètres à la seconde (m/s) et S en mètres carrés (m2). On appelle densité de puissance du vent la puissance par unité de surface.

    Mais « la limite de Betz », est une loi physique qui indique que la puissance théorique maximale développée par un capteur éolien est égale à 16/27 (environ 59%) de la puissance incidente du vent qui traverse l'éolienne [2]. Cette limite ne peut être dérivée qu’à la suite d’une longue analyse théorique permettant de déterminer le nombre optimal de pales, leur forme, leur profil et leur surface. Donc la puissance mécanique maximale produite en théorie par une éolienne est donnée par l’expression suivante :

                            Pm =  (8/27) d S v3  =  0,296 d S v3  =  0,355 S v3                          (3)

    On voit que la puissance mécanique d'une éolienne sera comprise entre 0 et 0,59 fois la puissance du vent sur la surface de l'hélice. Elle dépend nécessairement du nombre de pales, de leur surface et de leur profil, d'une façon complexe qui est rarement explicitée. Une éolienne réelle produira donc toujours moins que 59% de la puissance du vent. Dans la figure 2 sont répertoriées les divers types d'éoliennes [3]. C'est ainsi qu'une éolienne idéale selon de nombreuses publications, avec des pales de 107 m, une surface d'hélice S de 3,60 x 104 m2, avec un vent de 40 km/h (11,11 m/s) devrait fournir une puissance mécanique maximale de 17,5 MW selon la formule (3). La question qui se pose : qu'en est-il en réalité avec ces éoliennes gigantesques à trois pales ? Mais, le rendement attribué aux rotors à trois pales semble nettement excessif…

    Cette figure montre l'efficacité d'un aérogénérateur en fonction de la vitesse en bout de pale. On note que la limite de Betz ne peut être atteinte théoriquement que si le nombre de pales est infini On voit clairement que le rendement augmente avec le nombre de pales, comme avec leur surface totale. Or, pratiquement aucune des publications consultées ne fait état de l'effet du nombre de pales et de leur surface sur la puissance produite, ce qui est très étonnant.

Figure 2  -  Rendement d'une éolienne en fonction de la vitesse en bout de pale.

    Une première évidence basée sur la théorie est que si le nombre de pales était doublé, la puissance produite devrait être environ deux fois plus grande. Or, bien sûr, des pales d'une telle longueur et d'une telle masse ne peuvent pas être doublées. C'est bien là un problème évident. Mais, cela est possible pour de petites éoliennes comme la suivante.

4.      Une expérience virtuelle

    Imaginons une hélice jouet avec des pales fines de longueur L, communément appelée vire-vent au Québec, qui tourne librement autour d’un axe, tel qu’illustré dans la figure 3, face au vent de vitesse v. On sait que l’hélice commence à tourner dès que le vent souffle et que la vitesse augmente proportionnellement à la vitesse du vent et peut devenir très grande selon l’inclinaison des pales et leur profil.

    On sait aussi qu’en appliquant sur l'axe des forces de freinage F croissantes à la main, représentées dans la figure 4, l’hélice tournera de moins en moins vite et cessera de tourner pour une certaine valeur du freinage qui augmente avec la vitesse du vent. Ce couple C de freinage est mesuré par le produit
F x r = C.   F s'exprime en newtons (N), r en mètres (m), et C en N-m.

    Pour une certaine vitesse du vent, la puissance P transmise à la main passe par un maximum en augmentant le couple de freinage C. Et, bien sûr, les forces en jeu augmentent avec le diamètre de l’hélice. Or, au cours de ce ralentissement, de plus en plus d’air traversera la surface S de l’hélice sans agir sur les pales et leur communiquer de l’énergie. La figure 5 montre de façon empirique la façon dont la puissance mécanique produite varie avec le couple de freinage appliqué, pour une vitesse donnée du vent.

    La vitesse de rotation étant ω radians/seconde (rd/s), on sait que la puissance mécanique produite P en watts (W) est donnée par le produit P = C ω. Elle est nulle quand il n'y a aucun freinage [Fig. 5]. Puis, en augmentant le freinage, puissance passe par un maximum Pm pour un couple Cm. Finalement, l'hélice s'arrêtera de tourner et de produire de l'énergie pour un couple de blocage Cb.

Figure 3  -  Éolienne jouet ou vire-vent.

 

 

 Figure 4  -  Couple de freinage

    C’est précisément le cas des éoliennes qu’on installe partout dans le monde, comme dans la
figure 1, auxquelles s’appliquent les mêmes lois de l’aérodynamique qu’au vire-vent. Maintenant, ne peut-on pas imaginer que si le
nombre de pales identiques du vire-vent était doublé, la force de freinage devra être à peu près deux fois plus grande pour maintenir la même vitesse de rotation pour la même vitesse du vent ?

    La puissance fournie par cette hélice devrait donc être environ 2 fois plus grande... Si le nombre de pales est triplé, à 9, la puissance ne devrait-elle pas être à peu près triplée ? C'est ce que la figure 5 représente, où Cm3 est le couple maximal et Cb3, le couple de blocage pour l'hélice à 3 pales, etc.

    Alors, la question qui se pose tout naturellement après cette conclusion qui semble plausible est celle-ci : comment les éoliennes installées actuellement qui ont seulement trois pales étroites peuvent-elles produire la puissance maximale prédite par la théorie dont la valeur est donnée par la formule (3) qui est rigoureuse et qui s'applique si le nombre de pales est théoriquement infini ?

Figure 5  -  Relation entre puissance et couple de freinage pour 3, 6 et 9 pales.

    En première approximation, ne pourrait-on pas dire que si près de 90% du vent passe à travers l’hélice sans exercer d'action sur les pales, il est impossible que l’éolienne transforme en énergie mécanique plus de 10% de l’énergie cinétique du vent si la surface totale des pales est moins de 10% de la surface de l'hélice ? Il y a là un étonnant paradoxe, auquel personne ne semble donner une réponse…

    Considérons maintenant une génératrice éolienne de profil courant dans la figure 6. Supposons que la surface d'une pale active dans le vent représente approximativement un secteur d'une ouverture de 10o, ce qui est plus que dans la figure 1. Il s'ensuit qu'une fraction de l'énergie du vent égale à (360 – 30)/360 = 92% n'agit pas sur les pales. Par conséquent, la puissance mécanique maximale produite par cette machine serait donnée par l'expression suivante, soit 8% de la puissance maximale théorique :

      Pm =  0,08 x 0,355 S v3  ~  0,0284 S v3          (4)

    La question qui se pose alors, dans toutes les installations : pour un nombre de trois et une longueur de pales donnés, avec une certaine vitesse de vent, quelle est la puissance mécanique réelle fournie à la génératrice électrique associée ?

 

Figure 6

    La puissance nominale des éoliennes spécifiée dans les publications le moindrement documentées semble essentiellement celle donnée par la formule (3) qui tient compte de la limite de Betz, sans préciser la surface des pales et la vitesse du vent [3], ce qui est vraiment étonnant. Même dans une publication de Alexander Kalmikov du prestigieux M.I.T. la question est passée sous silence [4].

    Alors, parmi les questions qui se posent, ne pourrait-on pas concevoir et réaliser des éoliennes plus petites et relativement plus efficaces ?

5.      Une éolienne plus efficace ?

    C’est ainsi que les anciens moulins à farines de nos ancêtres (figure 7-a), ainsi que tant d'autres installés sur les fermes pour pomper l'eau (Figure 7-b) qui rendaient efficacement de grands services peuvent donner une idée qui serait peut-être une amélioration : une éolienne qui occuperait beaucoup moins d’espace et serait probablement plus petite pour la même énergie électrique moyenne produite, grâce à des pales de grande surface. De plus, avec une fabrication plus simple à un coût sans doute inférieur.

    La figure 8 montre schématiquement la configuration essentielle de cette hélice ou turbine à 8 pales dont un avantage possible serait de se mettre en rotation pour de faibles vitesses de vent, et dont l’inclinaison des pales s’adapterait automatiquement à la vitesse du vent pour fournir une puissance maximale se rapprochant de la valeur nominale : elle est désignée comme une éolienne basse.

Figure 7  -  Anciens moulins à vent.

6.      Description d'une éolienne efficace

    La figure 8 représente de façon schématique une génératrice éolienne à 8 pales articulée qui devraient être relativement beaucoup plus efficace que les actuelles à 3 pales, mais aussi beaucoup plus petites pour la même puissance fournie. Deux couronnes A et B sont centrées sur l’axe, chacune par les barres 1, 2, 3… 8 et huit câbles ou haubans C. Des pales P1, P2, P3… P8 en matériaux composites, robustes et flexible, sont tendues par des rotules mobiles sur la couronne A et des rotules fixes sur B.

    L’inclinaison du sommet des pales est variable automatiquement selon la vitesse du vent par un mouvement axial de l’ensemble de la couronne A et des 8 barres qui produit une torsion des pales déterminé par un dispositifs électronique de commande pour maximiser la puissance captée : A et B s’écartent avec l’augmentation de la vitesse du vent. L’inclinaison des pales sur l’axe serait fixe et d’environ 45o. Des mécanismes probablement simples et robustes peuvent sans doute produire ces mouvements d’une façon optimale, selon la vitesse du vent. Ce type d'hélice entrera en rotation et fournira de l’énergie pour une vitesse de vent beaucoup plus faible que celle requise pour les éoliennes actuelles.

Figure 8  -  Éolienne compacte à 8 pales – Schéma de principe.

    La figure 9 schématise une installation typique. Imaginons l’éolienne de la figure 8, avec une hélice d’un rayon de 2 mètres dont l’axe se trouve à 20 m du sol. Il est intéressant d’évaluer la puissance mécanique maximale approximative que le système produirait selon l’expression (3) avec un vent de 40 km/h, par exemple. La masse volumique r de l'air est égale en moyenne à 1,204 kg/m3 pour de l'air sec à 20 °C et à la pression atmosphérique normale. On calcule une surface S égale à 12,6 m2, une vitesse v de 11,11 m/s, d’où une puissance nominale P = 6,12 kW, en supposant qu'elle atteigne la limite de Betz selon la formule (3).

    Si le diamètre est doublé à 4 m, cette puissance est alors 4 fois plus grande : 24,5 kW. Si en plus la vitesse du vent est de 60 km/h, cette puissance est multipliée par (60/40)3 = 3,375; d’où une puissance de 82,7 kW. Évidemment, sans vent c’est 0, d’où la nécessité assez générale d’avoir un système de
stockage de l’énergie ou le raccordement à un réseau électrique… De telles génératrices éoliennes seraient sans doute utiles, moins coûteuses et moins invasives dans le paysage pour alimenter de petites agglomérations…

     Figure 9  -  Aspect général de l’éolienne basse.                Figure 10  -  Turbine hydraulique Kaplan

    Les lois de la dynamique des fluides sont les mêmes qui s’appliquent aux liquides et aux gaz. Il s’ensuit que les géométries des pales de turbine devraient être comparables, que ce soit pour l’eau ou le vent. La figure 7 montre celles d’une turbine de Kaplan utilisée dans les centrales hydroélectriques. On voit que la surfaces des pales est considérable par rapport à celle de l’hélice, afin de fournir le maximum de puissance. Pourquoi les éoliennes ne suivraient-elles pas les mêmes lois ? C’est ce qui a inspiré l’auteur de la présente étude [[5]]…

    Le graphique de la figure 11 permet de comparer le rendement nominal d’une éolienne basse B décrite ici, d'un rendement de 90% avec une éolienne du type qu’on réalise actuellement, équipée de pales de 100 m de longueur, une éolienne fine pour laquelle on suppose un rendement de 8% selon l'expression (4).

    On constate, par exemple, qu’une telle éolienne ‘fine’ avec un rayon de 3 m produirait environ 2 kW de puissance mécanique par un vent de 40 km/h, tandis que la turbine du type proposé produirait près de 14 kW ! En pratique, on comprendra que le rayon d'une éolienne 'basse' ne pourrait guère dépasser 3 ou 4 m pour des raisons de résistance mécanique et de matériaux.

Figure 11  -  Puissance nominale en fonction du rayon R et de la vitesse v
        d’une éolienne basse B avec un rendement de 90%
         et d’une éolienne ‘fine’ F avec un rendement de 8%.

 Conclusion

    Bien sûr, mes commentaires sont largement basés sur l'intuition, mais aussi sur une assez longue pratique en physique appliquée. Il faudrait une étude approfondie hors de ma portée pour y apporter une réponse mathématique rigoureuse.

    Il faudrait évidemment qu’un bon travail d’ingénierie soit fait et qu’un prototype soient réalisés permettant des mesures afin de déterminer l’intérêt économique et énergétique que peut présenter l’éolienne basse décrite sommairement ici. De tels appareils seraient sans doute surtout utiles dans de petits établissements isolés, loin des réseaux électriques, vu leurs dimensions et haut rendement.

    Mais il importe de savoir qu’aucun parc d’éoliennes ni complexe photovoltaïque produisant de l’énergie supposée ‘verte’ ne permettra d’éviter la catastrophe écologique si on ne réduit pas radicalement la quantité d’énergie et de ressources consommées chaque année sur la planète. De même pour le mode de vie et de consommation en général…  (CLIC)

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En se souvenant que l’énergie la plus écologique et la moins chère
est celle qu’on ne consomme pas !

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Remarque

Dans certaines sources d'information supposément sérieuses, on trouve des affirmations gratuites comme celles-ci :

 << Wind turbines are very efficient, boasting a theoretical maximum efficiency of 59% and an operational efficiency of around 40%. Their energy source – the wind – can be found all around the turbine itself. In comparison to other energy conversion systems, wind has been found to be much more efficient than traditional energy sources:

 

    Diesel generator: max. 35%

    Large steam turbine: max. 40%

 

These figures do not take into account losses during the transport of fossil fuels to the generator itself. (…)

 

Source : https://www.uka-gruppe.de/en/citizens-and-communities/operating-principle-of-a-wind-turbine/

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ANNEXE

Dans l’étude théorique d'une éolienne qu’on trouve parmi d’autres [[6]], on trouve ces détails :

Où  le « coefficient de performance » change de nom :

Très étrangement, la surface S des pales ne figure pas dans ces expressions.

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Bibliographie

Aérodynamique des éoliennes, https://energieplus-lesite.be/theories/eolien8/aerodynamique-des-eoliennes/

https://www.energy.gov/eere/wind/how-wind-turbine-works-text-version

Théorie de l'élément de pale couplée à la théorie de Froude relative aux hélices motrices éoliennes et aéromoteurs  -  https://heliciel.com/helice/calcul-helice-aile/Theorie%20element%20de%20pale%20relative%20aux%20helices%20captrice%20motrices.htm#:~:text=La%20%22BEM%22%20(Blade%20element,le%20long%20de%20la%20pale.

Fluid Dynamics Simulation of an NREL-S Series Wind Turbine Blade - https://www.intechopen.com/online-first/83716

Wind Turbine Blade Design Review - https://core.ac.uk/download/pdf/211500881.pdf

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