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vendredi 17 février 2023

RÉPUBLIQUES DE BANANES

RÉPUBLIQUES DE BANANES

Pr Pierre-André Julien, économiste

Institut de recherche sur les PME
Université du Québec à Trois-Rivières

2011

   Les économistes retiennent généralement trois caractéristiques des républiques de bananes. La première est l'énorme disparité entre les riches et les pauvres. La seconde est la corruption généralisée.

   La troisième est une exploitation éhontée des richesses naturelles par les entreprises étrangères et leurs valets locaux.

   Dans le Québec d'aujourd'hui, le premier élément est peu présent. Même si l'on trouve des riches dont les gains équivalent à deux cents fois le salaire des ouvriers et que le revenu moyen des familles stagne depuis trente ans.

   Quant à la corruption, on peut espérer qu'elle se limite à l'industrie de la construction. Même si cette corruption continue à coûter très cher non seulement en coûts supplémentaires, mais aussi en accidents, comme on le voit avec des infrastructures qui s'effondrent trop souvent. Par contre, ce qu'on voit actuellement, avec le refus du gouvernement Charest de bonifier sérieusement les redevances minières et gazières, ressemble fortement à ce qui se passe dans ces républiques de bananes. On sait que les minières et les gazières n'ont versé en 2010 que 280 millions au trésor québécois ou 0,028 % des revenus qu'elles ont retirés du sous-sol, soit 10 milliards $.

   La dernière analyse du Mouvement Desjardins prévoit que cette situation ne changera pas avec le Plan Nord, non seulement parce le gouvernement Charest refuse de «taxer» les compagnies sur l'extraction des ressources plutôt que sur les profits nets déclarés, comme le font à peu près tous les pays industrialisés, mais parce qu'en retour il prévoit dépenser 500 millions par année avant 2016 pour ouvrir des routes, des ports et des aéroports.

   Par exemple, il a promis à la Stornoway Diamond de Vancouver de prolonger la route 167 pour un coût de 287,6 millions $ pour qu'elle puisse atteindre les gisements de diamant valant au moins cinq milliards.

   Mais c'est la même histoire avec Falconbridge, installée à l'extrême nord du Québec qui exploite depuis près de vingt ans une très riche mine de nickel (Raglan), sans avoir à peu près rien payé en redevances, alors que ce gisement lui rapporte plus de 1,3 milliard par année. Et monsieur Charest vient de signer le même accord avec la minière Jilin Lien Nickel lors de son récent voyage en Chine. Il en est de même des deux firmes pétrolières Junex et Petrolia qui tirent déjà des milliers de barils de pétrole sans payer aussi quoi que ce soit.

   Le prétexte est que ces entreprises sont soit en période d'exploration, soit font des gros investissements qui annulent leurs profits. Comme si ces entreprises travaillaient uniquement pour les beaux yeux de la « Belle Province » (grrrrr...)

   Quelques-uns pourraient être heureux que le Québec se distingue encore en étant la seule république de bananes du nord. Mais, il est probable que la grande majorité souhaite que nos richesses naturelles servent plutôt à payer une partie de nos écoles et de nos hôpitaux sans parler de la dette.

 

Pierre-André Julien

Bécancour

Institut de recherche sur les PME

 

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