Un document historique...
RASSEMBLEMENT
POUR L’INDÉPENDANCE NATIONALE
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
DU R.I.N.
DU R.I.N.
2157, rue Mackay
MONTRÉAL
MONTRÉAL
Téléphone: Victor 2-9693
1961-1962 (date exacte inconnue)
RÉVOLUTION
Discours de Pierre Bourgault
Il y a moins d'un an, le quatre avril dernier (1961) en la salle du Gesù
à Montréal, le R.I.N. tenait sa première assemblée publique.
Il y a moins d'un an, les journaux, la radio, la
télévision commencèrent à parler de nous, à s'interroger sur l'idéal que nous
prônions, à s'inquiéter de la reprise soudaine d'un mouvement que l'on croyait
mort à jamais.
Ils le firent avec le sourire, en se moquant un
peu, et en écartant au départ toute possibilité de réussite d'une pareille
utopie. Il y a moins d'un an, malgré les sourires, malgré les moqueries
et malgré l'ignorance, commençait la libération du Québec. Il y a moins d'un an
commençait la révolution.
Nous étions alors une cinquantaine, assurés que
le temps était enfin venu pour la nation canadienne-française de prendre
conscience de sa force et de sa dignité.
Nous voilà aujourd'hui des milliers, tous animés
du même désir, tous portés par la même foi, réunis dans un seul élan pour
assurer à notre patrie la souveraineté dont elle ne peut plus se passer.
Quel chemin parcouru en si peu de temps!
Quel réconfort de voir que nous ne nous étions
pas trompés: que la nation québécoise n'était pas morte, et que si elle était
silencieuse, elle n'en attendait pas moins le moment de crier à la face du
monde son désir de liberté.
Nous sentions bien que nous pouvions faire
confiance à ce peuple dont nous sommes. A notre appel alors lointain, il a
répondu par un acte de foi.
Nous nous sentions seuls, mais nous voilà tout à
coup entourés. Chacun, de toute la force de ses moyens, veut fournir sa part à
l'édification de ce monument aux vivants que nous sommes en train de dresser à
la grande famille des hommes qui, à travers le monde, ont résolu de briser
leurs chaînes et de vivre debout.
Il y a moins d'un an, nous existions à peine.
Aujourd'hui, nous représentons la nation.
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Permettez-moi, au début de ce discours, de m'adresser tout d'abord à nos
adversaires. Ils ont si souvent, ces derniers temps, ouvert la bouche pour nous
dénoncer que je m'en voudrais de leur laisser croire que nous ne les avons pas
entendus. Et à l'instar d'un grand chef d'Etat français, mais sans pour autant
me prendre pour Jeanne d'Arc, je leur réponds: Messieurs, nous vous avons
compris.
Nous avons surtout compris que vous n'avez rien
compris.
Lorsque vous affirmez, monsieur Pearson, qu'un
hymne national et un drapeau distinctif feraient rapidement disparaître le
mouvement séparatiste, c'est que vous n'avez rien compris.
Lorsque vous nous dites, monsieur Fulton, que
vous allez garantir aux Canadiens français du Québec les droits qu'ils ont de
par la Constitution, c'est que vous n'avez rien compris.
Lorsque vous écartez d'un simple geste, monsieur
Saint-Laurent, tous les indépendantistes, disant qu'il ne s'agit là que d'une
poignée de « angry
young men », vous
faites peut-être étalage de vos talents de parfait bilingue, mais vous n'avez
rien compris.
Et lorsque vous, cher monsieur Dorion, vous nous
parlez des immenses progrès qu'a fait le bilinguisme au gouvernement fédéral
depuis l'avènement des conservateurs, nous voyons bien que vous entendez à rire,
que le ridicule a, dans votre bouche, presque de la grâce: mais vous non plus,
vous n'avez rien compris.
Et monsieur Sévigny, permettez-moi de ne pas
insister sur vos paroles, mais l'immense éclat de rire qui les a suivies prouve
assez bien que, comme les autres, vous n'avez rien compris.
Oh! loin de moi la pensée de croire messieurs que
vous n'avez pas autant d'intelligence que nous, ou que vous vous laissez
emporter par des passions violentes qui vous feraient, dans vos beaux discours,
dépasser votre pensée. Mais je voudrais quand même apporter quelques précisions
propres à éclairer votre lanterne. Elles sont fort simples, elles se résument
en peu de mots, mais elles sont définitives et irrévocables.
Non, ce n'est pas par la faute des Anglais que
nous sommes séparatistes. Nous le sommes par notre propre volonté et par notre
sentiment de dignité. Nous avons entendu plusieurs d'entre vous déclarer
dernièrement que le séparatisme prendrait de la force ou disparaîtrait
complètement selon l'attitude plus ou moins intelligente, plus ou moins
raisonnable de nos compatriotes de langue anglaise.
Non, mille fois non. Messieurs les Anglais n'ont
rien à voir dans l'affaire, et c'est à nous, et à nous seuls, qu'incombe la
responsabilité de nos actions.
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Croyez bien messieurs que le temps est révolu où
nos succès et nos insuccès étaient portés sur le dos des autres. Cette fois-ci
et pour toujours, c'est nous qui décidons.
Sachez donc une fois pour toutes que l'attitude
du Canada anglais, hostile ou aimable, indifférente ou généreuse ne changera
absolument rien à notre volonté d'être libres, à notre volonté d'être maîtres
chez nous.
Nous apprécions évidemment les efforts que vous
faites pour engager le dialogue avec nous; niais tenez-vous-le pour dit: vous
arrivez trop tard.
Il est également puéril de croire que les
concessions, aussi spectaculaires qu'elles soient, nous feront jamais changer
d'idée.
Le R.I.N. est un mouvement de libération
nationale et non pas, comme certains sont trop portés à le croire, une vaste
organisation de chantage propre à nous obtenir des chèques bilingues, un hymne
national ou un drapeau distinctif.
Qu'on n'aille surtout pas imaginer que nous demandons le tout, certains par ce procédé d'obtenir
au moins des miettes. Si nous voulons le tout, si nous voulons l'Indépendance,
c'est qu'elle nous est indispensable et notre lutte continuera jusqu'à ce que
nous l'ayons obtenue.
Nous ne sommes pas là pour revendiquer quoi que
ce soit, ou pour donner une dernière chance à la Confédération. Elle est foutue
votre Confédération, et vous auriez grand tort de croire que vous puissiez la
ressusciter par des sourires et des courbettes.
Comprenez-moi bien. C'est l'Indépendance que nous
voulons, rien de moins, et nous l'aurons.
J'ai encore à dire à nos adversaires que la
flatterie ne les mènera nulle part. Nous sommes conscients de nos qualités et
de nos défauts, et nous avons surtout fini de nous comparer au Canada anglais.
C'est au reste du monde que nous nous comparons aujourd'hui, et nous avons
assez d'honnêteté pour nous avouer que le tableau n'est pas brillant.
Lorsque dans un long éditorial la Gazette de
Montréal a le culot d'affirmer que le Canada français est trop grand pour se
limiter à la seule province de Québec, nous serions bien tentés de répondre par
le mot de Cambronne, mais nous nous retenons. Car peut-être faudrait-il le
traduire en anglais pour être compris, et dans la langue de Shakespeare, ça
fait vraiment vulgaire.
Quand la Gazette nous parle de la mission du
Canada français en Amérique, il y a de quoi s'inquiéter.
Depuis au-delà d'un siècle, on nous endort sous
le poids de notre vanité. On nous dit: "Débarrassons-nous de notre
complexe
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d'infériorité. Nous -sommes aussi bons
sinon meilleurs que les Anglo-Canadiens. Bien sûr ils contrôlent l'économie du
Canada, niais notre culture est plus forte que la leur. Ils ont l'argent mais
nous avons le, théâtre, la peinture, et la littérature! Ils ont le corps mais nous
avons l'esprit!"
Et nous, comme des paons, nous faisons la roue.
Non, mais vous vous rendez compte ! Quelle triste
aberration a pu, pendant cent ans, nous asservir à ce fallacieux petit énoncé ?
Cette éternelle comparaison entre Canada anglais
et Canada français a plus fait pour nous garder dans notre médiocrité que les
lois les plus iniques et la mauvaise foi la plus évidente.
Bien sûr que nous avons tout l'esprit du Canada,
mais cela ne nous.suffit plus. Nous savons trop que l'esprit d'une nation ne
peut pas vivre longtemps s'il ne s'appuie pas sur autre chose que des grands
mots et de la littérature.
Nous écrivons des pièces de théâtre ? A la bonne heure
! Mais nous voulons aussi des salles de spectacles pour jouer nos pièces et de
l'argent pour payer nos directeurs, nos comédiens, nos artistes.
Nous avons le meilleur système d'éducation au monde
? Evidemment. Au pays du Québec, cela va de soi. Tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes. Mais nos savants doivent quémander et faire du porte en
porte pour obtenir le minimum qu'il faut pour acheter les quelques instruments
essentiels à leur travail. 99% de l'argent consacré à la recherche scientifique
au Canada est dépensé au Canada anglais. 1% pour les parias que nous sommes. Et
nous nous plaignons lorsque nos meilleures intelligences prennent le chemin de
l'exil.
Cessons donc de nous comparer au Canada anglais.
Cela n'a toujours réussi qu'à excuser notre paresse et nos démissions
collectives.
Depuis cent ans que nous sommes courbés sous le poids
de notre vanité. Pas surprenant que nous rampions si bas!
Mais nous commençons à comprendre. Nous avons du moins bien compris
cette petite chose toute simple: qu'aucune culture valable ne peut s'épanouir
chez un peuple économiquement et politiquement asservi. Nous avons compris
l'interdépendance de ces facteurs de vie.
La culture canadienne-française sera et grandira
lorsqu'elle pourra appuyer ses réalisations sur une relative indépendance
économique et sur la politique libre d'un État souverain.
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Cette liberté économique et politique nous est
niée par la constitution canadienne. Il faudrait être bien naïf pour croire
qu'il en serait jamais autrement.
Je mets en garde ici ceux qui voudraient me faire
dire que j'expose l'indépendance du Québec comme une fin en soi, comme une
solution à tous nos problèmes.
Depuis un an, dans toutes les occasions, nous
disons exactement le contraire. Mais je le répète pour ceux qui refusent de
nous entendre. L'indépendance pour nous n'est pas une fin en soi, elle est un moyen,
un instrument, rien de plus. Après l'Indépendance, nous retrouverons les mêmes
problèmes qui sont ceux du Canada français aujourd'hui, mais alors nous aurons
les moyens de les attaquer de front et d'essayer de les solutionner. Et
surtout, ah! oui surtout, nous aurons les moyens de les solutionner nous-mêmes,
dans le sens de notre esprit et de notre volonté!
L'indépendance n'est qu'un instrument, mais
instrument essentiel.
Mais revenons donc au début de cet article et répétons à nos adversaires
que la flatterie ne les mènera nulle part. Vous pouvez bien, messieurs, nous
encenser et nous faire des compliments: nous dire que nous sommes cultivés, et
gentils, beaux et fins, aimables et agréables à vivre; que nos enfants sont
plus beaux que les vôtres et que l'Oratoire Saint-joseph est un chef-d'oeuvre,
mais sachez qu'enfin nous avons désappris la vanité. Nous savons qu'il en est
tout autrement et nous savons ce que ces cris d'admiration veulent dire: on en
pousse de semblables devant les objets de musée.
Non, messieurs, nous ne sommes ni plus beaux ni
plus laids que les autres, votre culture vaut bien la nôtre (enfin c'est ce que
nous dit monsieur Scott Symons); nous avons beaucoup à apprendre et aussi
un peu à donner, mais nous sommes quand même différents de ce que nous étions
hier.
Et là réside notre seule force. Autrefois,
souvenez-vous, il vous fallait baisser les yeux pour voir ce pauvre peuple
ramper. Mais aujourd'hui nous sommes debout et c'est droit dans les yeux que
nous vous regardons.
Il ne faudrait pas croire non plus, messieurs du
Canada, que, parce que de tempérament latin, nous sommes plus sentimentaux que
nécessaire.
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Lorsque
vous nous dites que la sécession du Québec serait la mort du Canada., cela nous
rappelle sans doute quelques souvenirs, de l'état de béatitude où nous étions
lorsqu'il était en pleine santé mais ne vous étonnez pas trop si aujourd'hui
nous avons la larme moins facile qu'autrefois.
Voyez-vous, ce que vous nous dites est
peut-être vrai, mais notre réaction en est une bien anglaise ; So what! En effet, si le Canada ne vit que par le Canada
français, si nous ne pouvons l'amputer d'un seul de ses membres sans le
précipiter soudain dans l'agonie, c'est qu'il n'a pas sans doute toutes les
vertus qu'on lui prête.
Si le Canada. ne peut vivre par lui-même sans le
Canada français, cela ne nous- prouve qu'une chose: c'est que nous
aurions bien tort de continuer une association qui nous forcerait à traîner
après nous une nation moribonde.
Non vraiment. Nous avons trop de problèmes à
régler nous-mêmes : nous ne saurions nous embarrasser d'un tel poids.
Cela est bien dommage évidemment. Mais nous
croyons que si le Canada avait réclamé son indépendance plus tôt, peut-être ne
serait-il pas dans le triste état où nous le voyons aujourd'hui.
Il ne faut quand même pas désespérer. Qui sait?
Une fois. son indépendance acquise, le Québec prêtera peut-être au Canada, pour
l'aider à survivre, un peu de l'énergie qu'il aura déployée pour conquérir sa
liberté.
Je sens que j'accorde peut-être trop de temps à
répondre à tous ces bons messieurs de la grande cause confédérale. Pourtant, je
voudrais encore leur servir un petit avertissement, en toute amitié.
C'est que devant l'ampleur que prend notre
mouvement, ce qui, à ce qu'il semble, n'a pas l'air de les réjouir, il ne
faudrait quand même pas qu'ils perdent la tête.
Nous comprenons très bien leur excitation
présente, mais nous souhaitons fort qu'ils en restent là. Nous leur
recommandons donc de ne pas s'affoler et de rester calmes comme nous l'avons toujours
été et comme nous prétendons le rester. Qu'ils ne s'inquiètent pas, nous
n'allons quand même pas donner McGill aux jésuites.
Nous leur conseillons aussi, pour qu'ils évitent
d'accumuler trop d'amertume, qu'ils se réunissent à plusieurs, entre amis, et
qu'ils écrivent dans les deux langues officielles du pays, un .petit livre à
une piastre sur les vertus de la Confédération. M. Fisher pourrait le préfacer,
et qui sait? il remporterait peut-être le grand prix de l'humour canadien!
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Mais trêve de plaisanterie! •
Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons
nous parler entre nous, Canadiens français.
Il y a moins d'un an, commençait la libération du
Québec. Aujourd'hui, nous sommes la Nation, nous sommes la Révolution, nous
sommes la Révolution nationale.
Que ces mots n'effraient personne. Je m'empresse
d'ailleurs d'expliquer la signification exacte qu'ils ont pour nous
indépendantistes, et particulièrement pour nous du R.I.N.
Nous sommes la Nation!
À première vue, cela peut paraître prétentieux et
gratuit. Mais si nous analysons la chose de plus près, nous nous apercevons
vite que l'expression est logique et juste.
Une nation n'a d'existence que par la vie que lui
communiquent les membres qui la composent.
Nous croyons sincèrement, sans vanité mais aussi
sans modestie, représenter la vie même de la nation.
Nous
avons oublié les défaites, nous avons oublié nos malheureux complexes, nous
avons fait taire nos futiles agressivités et nous nous consacrons tout entiers
à redonner la vie, à redonner la fierté à notre peuple, à nous-mêmes, à la
nation québécoise.
Par notre action, par notre foi et notre
confiance dans le peuple québécois, nous sommes la vie même de la nation.
Nous sommes la minorité bien sûr, mais nous
croyons sincèrement que sans le désir de liberté qui nous habite et que nous
faisons rayonner, le Canada français continuerait de mourir tranquillement sans
même s'en apercevoir.
Nous sommes la nation, parce que nous sommes la
liberté de la nation.
L'homme n'est rien, l'homme ne peut rien s'il n'a
pas le pouvoir de choisir. L'homme n'a de valeur que par sa liberté. Il n'en va
pas autrement des peuples. Un peuple asservi, un peuple en tutelle n'est rien
de plus qu'un troupeau de bêtes qu'on mène au pâturage ou à l'abattoir.
Si nous analysons un peu plus profondément ce
concept nous verrons que ce qui fait l'homme c'est, plus que la liberté qu'il
possède en fait, son désir de liberté, dans quelque circonstance ou contexte
qu'il se trouve.
Nous sommes la nation, parce que nous représentons
son désir de liberté.
Nous représentons toutes les aspirations de la
nation canadienne-française. Notre désir d'indépendance et de fierté s'incarne
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dans tous nos problèmes, qu'ils soient d'ordre
économique, politique ou culturel.
Il n'y a pas. de solutions partielles.
Tout se tient, et la nation est une, par notre désir de la faire s'épanouir
dans l'équilibre, sans détriment pour l'un ou l'autre aspect des éléments qui
la composent.
La langue française au Québec ne pourra
s'améliorer que si elle est utile et nécessaire. Elle sera nécessaire si l'on
s'en sert pour gagner sa vie et pour entretenir des relations sociales. Pour
qu'une partie de l'économie revienne aux mains des Canadiens français il faut
que la nation puisse contrôler son commerce, ses relations extérieures, son
crédit, ses banques. Pour ce faire il faut que l'État du Québec soit souverain,
et libre d'agir dans le sens de ses intérêts.
Tous les problèmes se touchent et sont
indissociables.
Présenté de cette façon le raisonnement peut paraître
simpliste. On pourrait évidemment élaborer sur le sujet pendant des heures mais
ce serait pour en revenir à ce petit énoncé tout simple. Trop simple peut-être
pour ceux qui sont habitués à compliquer les choses à dessein par peur souvent
d'arriver devant un problème précis auquel ils n'auraient pas le courage de
s'attaquer pour essayer de le solutionner.
Nous sommes la nation parce que nous refusons de
la morceler, parce que nous voyons toutes ses misères mais que nous comprenons
aussi ses aspirations. Parce que nous représentons la totalité de ses désirs.
Et enfin nous sommes la nation, parce que nous
sommes la volonté de la nation.
Nous ne sommes pas inconscients des problèmes
auxquels il faudra nous attaquer pour faire du Québec un pays vraiment libre.
Nous ne refusons pas, au contraire, d'analyser dans leurs moindres détails les
obstacles qui pourront se trouver sur notre chemin. Les difficultés seront
nombreuses nous le savons.
Mais nous refusons de croire qu'elles soient
insurmontables. Nous refusons de croire que ce peuple qui a lutté depuis 200
ans pour survivre, souvent dans les circonstances les plus difficiles, ne
trouvera pas en son sein la force nécessaire pour franchir le dernier obstacle
sur le chemin de la liberté.
Nous croyons en la nation canadienne-française.
Nous croyons en notre propre puissance. Parce que nous avons jugé au départ que
l'indépendance du Québec est non seulement souhaitable mais qu'elle est
nécessaire, nous avons délaissé la peur, nous nous moquons des mauvais coups et
insouciants des moqueries et des sarcasmes, nous atteindrons le but que nous
nous sommes proposé.
- Nous sommes la volonté de la Nation.
- Nous sommes la Nation.
- Nous sommes la Révolution.
Ce mot me fait penser à ce qu'un ami me
disait l'autre jour:
« Tu sais que la Révolution française n'a
jamais eu lieu », me déclara-t-il.
— Comment ça? lui dis-je. « Eh oui, elle était tout à fait impensable économiquement.»
Elle a pourtant eu lieu la révolution française,
et l'américaine et la russe aussi.
Évidemment, selon certains, le Québec ne souffre
pas de comparaisons avec qui que ce soit. Selon ces gens, tout est possible
clans tous les pays du monde sauf au Québec. Peur, lâcheté, insouciance,
désintéressement? Tout cela à la fois, dans des proportions plus ou moins
grandes selon les personnes.
Mais malgré tout, et que cela plaise ou non, nous
sommes la Révolution.
Expliquons-nous bien vite avant que quelques-uns
se mettent à crier qu'on veut les assassiner.
« Changement brusque et violent dans la politique
et le gouvernement d'un État.» C'est ainsi que Littré nous définit la
révolution. C'est clair, c'est propre et on sait à quoi s'en tenir.
Pourtant, cette petite définition toute simple
peut être interprétée de différentes façons.
A partir de cette définition je vais donc vous
dire pourquoi nous affirmons que nous sommes la révolution.
Il est indéniable que l'Indépendance apportera
un changement assez brusque dans la politique et le gouvernement du Canada,
comme clans ceux du Québec.
Je crois bien que la grande majorité ne chicanera
pas pour accepter la première partie de cette définition et l'appliquer à notre
action. Mais il y a le petit mot « violent ».
La plupart d'entre nous, et c'est normal, réagira
devant ce mot en jetant les hauts cris, en jurant qu'il y a assez de guerres
dans le monde sans en faire une ici, en s'imaginant des tableaux pleins
d'horreur et de détresse, en exhortant les séparatistes à rester calmes, et en
voyant déjà les armées s'affronter.
Beaucoup d'entre vous savez comme moi qu'il n'est
d'ailleurs pas nécessaire de prononcer ces mots pour que tout de suite on
imagine le pire. Aux yeux de certains nous sommes méchants, ' sanguinaires et
barbares et c'est l'arme au poing que nous voulons atteindre notre but.
Rassurez-vous, nous n'avons pas de ces
intentions. Notre action n'en est pas moins violente et le deviendra sans doute
encore plus.
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Il existe, à côté de la violence purement physique que nous réprouvons
fortement, une violence faite à l'esprit, à l'intelligence des hommes. C'est
cette violence que nous pratiquons pour arriver à Changer la politique et le
gouvernement de notre pays.
C'est l'esprit que nous attaquons, et c'est avec
les mots et la raison que nous nous battons.
Et notre raisonnement est violent parce qu'il
s'attaque à détruire des préjugés, des complexes de l'intelligence qui trop
souvent, chez beaucoup de personnes, leur cachent la réalité des circonstances
et du contexte dans lesquels elles vivent.
C'est faire violence aux gens que de leur dire.
que la politique canadienne à l'intérieur de la Confédération ne peut que
desservir le Canada français. lis croient depuis si longtemps à la bonne
entente, au bilinguisme, à la nation binationale et quoi encore, que le seul
fait de leur dire que cela n'existe pas et n'existera jamais produit chez eux
un choc brutal.
C'est faire violence aux gens que de leur dire
que nous avons deux gouvernements dont un seul sert la nation
canadienne-française. C'est aussi faire directement violence au gouvernement
canadien que de lui démontrer qu'il nous est inutile et que nous comptons nous
en débarrasser le plus tôt possible.
Et la violence est d'autant plus grande dans les
esprits qu'ils ne s'attendaient aucunement à voir se réveiller le peuple
canadien-français brandissant à bout de bra.s son désir de liberté.
L'esprit des hommes qui font la politique et qui
composent le gouvernement canadien, par notre action, subit un changement
brusque et violent.
C'est clans ce .sens que nous pouvons dire que
nous sommes la Révolution.
•• Révolution pacifique, mais révolution quand
même. Révolution dans la raison et dans les sentiments, révolution dans les
habitudes, dans les structures, dans les cadres.
- Passage brusque et violent de la honte à la dignité.
- Passage brusque et violent de la médiocrité à la fierté.
- Passage brusque et violent de la servitude à la liberté.
C'est ça la Révolution.
Nous sommes la Nation, nous sommes la Révolution,
nous sommes la Révolution nationale!
y a. quelque temps, quelqu'un me soulignait: « La Confédération, en fait, ce n'est qu'une affaire de trains. Elle a
commencé en 1867 avec le Pacifique Canadien et elle finira cent ans plus tard
avec le train du Centenaire."
12
-- Cela est
une façon amusante de prendre ses -souhaits pour des réalités. Mais comme on nous demande souvent
quand se fera l'indépendance, je crois ce soir pOuvoir vous apporter une
réponse assez juste.
Je
m'excuse d'insister, mais je devrai encore parler de nos adversaires.
Si vous voulez savoir, à six mois près, quand se
fera l'Indépendance, vous n'avez qu'à observer leurs réactions à notre
mouvement.
Nous comptons six phases pour accéder à la
souveraineté du Québec. Nous les avons établies d'après les réactions que -nous
avons pu observer et d'après les autres qui ne manqueront pas de suivre:
Premièrement : le silence. Cette phase a duré
environ six mois, c'est-à-dire à partir de la date de la fondation du R.I.N. jusqu'à l'assemblée publique du Gesù. On nous ignorait tout simplement.
Deuxièmement : le ridicule. Jusqu'à il y a
environ deux mois on nous traitait d'illuminés, de 'rêveurs, de sentimentaux,
et sur la simple affirmation que vous étiez séparatiste, un immense éclat de
rire, infailliblement, vous répondait. Nous avons continué quand même.
Troisièmement : les concessions. Nous sommes en
plein dedans. Nous devons avouer que toutes ces étapes sont franchies beaucoup
plus rapidement que nous l'aurions espéré. Cette troisième phase se poursuit
aujourd'hui et nous ne pouvons prévoir exactement quand nous passerons à la
suivante. Mais au rythme où vont les choses, cela ne devrait pas tarder.
Quatrièmement : l'achat des consciences. Cela se
fait avec de l'argent, des offres d'avancement à son travail, ou encore par des
propositions alléchantes de bénéfices quelconques, ne fussent-ils
qu'honorifiques.
Cinquièmement : l'hostilité ouverte, les
dénonciations violentes commenceront. On nous fera passer pour des anarchistes
qui veulent tout briser sur leur passage. On effraiera les gens en leur parlant
de guerre civile, de massacre et de quoi d'autre encore. On invoquera Cuba, le
Congo, l'Algérie. Remarquez que ces mêmes personnes crient sur tous les toits
aujourd'hui qu'il ne peut y avoir aucun parallèle entre le Québec et ces pays. Mais
pour les besoins de la cause on change vite d'idée.
Quoi qu'il en soit, cette cinquième étape est
la plus importante. Il nous faudra être assez forts pour ne 'pas répondre à la
provocation, assez calmes pour résister à la tentation d'envoyer tout promener,
assez -intelligents et lucides pour éviter les coups bas qu'on voudra nous
porter.
13
Une chose cependant pourra nous aider à garder
confiance. C'est qu'alors la dernière étape ne sera pas loin.
Sixièmement : l'Indépendance. Nous ne savons pas
au juste combien de temps durera la cinquième phase. Mais ceux qui ont un peu
le sens de la politique ou tout simplement une bonne connaissance des hommes
pourront, à partir de ce moment, mettre une date au jour de l'Indépendance.
Observez donc de près les réactions de nos
adversaires et vous saurez assez exactement à quelle vitesse nous progressons
et vous pourrez entrevoir le jour où le Québec sera libre.
Avant de terminer j'aurais des remerciements à
adresser à quelques personnes.
À monsieur Parizeau, économiste, pour avoir
déclaré dans Le Devoir, il y a quelque temps, que, économiquement,
l'indépendance du Québec n'était nullement une absurdité.
À monsieur Laurin, psychiatre,
pour nous avoir rassurés sur notre propre compte, en affirmant, encore dans Le
Devoir, que les séparatistes ne sont pas fous. On aime toujours se l'entendre
dire par des spécialistes.
À monsieur Fisher, pour sa franchise et pour les
déclarations qu'il a faites en faveur de notre thèse. Nous voulons en même
temps rassurer les inquiets: monsieur Fisher n'est pas sur la liste de paye du
R.I.N.
À messieurs Keyston et Harkness pour un congé refusé à monsieur Marcel Chaput, au mois de novembre
dernier.
À monsieur Marcel Chaput, pour avoir fourni à
toute la nation canadienne-française un exemple de dignité et de fidélité à
notre cause commune.
Puissions-nous tous avoir la force de rester
fidèles à nous-mêmes.
Puissions-nous tous posséder pour toujours ce
désir violent de liberté qui nous anime.
La bataille ne fait que commencer. Il faudra
travailler encore et toujours plus à la restauration de la fierté
canadienne-française.
Souvenons-nous que le mouvement est irréversible
et, sans fléchir, menons notre combat jusqu'au bout.
Il y a moins d'un an commençait la libération du
Québec. Quel chemin parcouru en si peu de temps !
Hier nous n'étions rien. Aujourd'hui nous sommes
la Nation, nous sommes la Révolution, nous sommes la Révolution nationale.
FIN
NOTE
Ce document est la reproduction intégrale de la brochure No 1 intitulée :
RÉVOLUTION
Discours prononcé à la salle de la Fraternité des Policiers, à Montréal,
à une date inconnue qui se situe au tournant des années 1961-1962.
Par Pierre Bourgault
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Je désire recevoir les invitations aux séances
d'information et assemblées publiques du R.I.N.
Je
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MEMBRE MILITANT
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ADRESSE :. . .
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Profession/Métier : . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
LE SERVICE DE PROPAGANDE
DU RASSEMBLEMENT POUR
L'INDÉPENDANCE NATIONALE
DU RASSEMBLEMENT POUR
L'INDÉPENDANCE NATIONALE
ADRESSE POSTALE
C.P. 96, SUCCURSALE "B"
MONTRÉAL
MONTRÉAL
Imprimé par l'Imprimerie Judiciaire Enrg.; Montréal •
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