Une analyse du livre qui a révélé Djemila Benhabib,
une grande militante québécoise.
NOTE : pour grossir le texte, taper « ctrl + » (contrôle et +).
une grande militante québécoise.
NOTE : pour grossir le texte, taper « ctrl + » (contrôle et +).
Djemila Benhabib
Les soldats d’Allah à l’assaut de l’occident
Montréal, VLB éditeur, 2011, 295 pages
http://www.edvlb.com/Soldats-Allah-assaut-Occident/Djemila-Benhabib/livre/9782896493135
Le 11 septembre 2001 a marqué l'irruption
spectaculaire de la violence des soldats d'Allah en Amérique, dans le combat -
le djihad - qu'ils mènent depuis longtemps pour faire prévaloir une vision
politique qui rejette bien des valeurs que les Occidentaux tiennent pour
acquises: la séparation du politique et du religieux, l'égalité des hommes et
des femmes, l'égalité de tous les citoyens face à la loi indépendamment de
leurs convictions religieuses...
Djemila Benhabib revient sur l'histoire des peuples de culture musulmane pour montrer comment l'islam politique en est venu à supplanter les mouvements démocratiques et féministes, qui étaient pourtant apparus au Moyen-Orient en même temps qu'en Occident. Elle souligne la part de responsabilité des États-Unis dans ce gâchis, eux qui ont renié leurs valeurs fondatrices pour s'assurer en approvisionnement stable en pétrole auprès de l'Arabie saoudite qui finance les réseaux islamiques les plus réactionnaires. Elle fait l'histoire de l'implantation en Europe et en Amérique des Frères musulmans et de leur stratégie pour imposer l'intégrisme islamique sur la place publique, en tirant parti des chartes des droits et de la promotion du multiculturalisme. Elle se sert de l'exemple québécois pour illustrer comment les bien-pensants de gauche et autres partisans de la "laïcité ouverte" deviennent les alliés objectifs, les « idiots utiles », de ces dangereux militants antidémocratiques.
Dans un récit en arabesque qui passe du général au particulier, qui entremêle l'analyse des idéologies aux exemples de leurs conséquences réelles sur les individus, en Égypte ou en Iran aussi bien qu'au Québec ou en Belgique, Djemila Behabib lance ici un appel à la vigilance démocratique et un plaidoyer sans concession pour la laïcité.
Djemila Benhabib revient sur l'histoire des peuples de culture musulmane pour montrer comment l'islam politique en est venu à supplanter les mouvements démocratiques et féministes, qui étaient pourtant apparus au Moyen-Orient en même temps qu'en Occident. Elle souligne la part de responsabilité des États-Unis dans ce gâchis, eux qui ont renié leurs valeurs fondatrices pour s'assurer en approvisionnement stable en pétrole auprès de l'Arabie saoudite qui finance les réseaux islamiques les plus réactionnaires. Elle fait l'histoire de l'implantation en Europe et en Amérique des Frères musulmans et de leur stratégie pour imposer l'intégrisme islamique sur la place publique, en tirant parti des chartes des droits et de la promotion du multiculturalisme. Elle se sert de l'exemple québécois pour illustrer comment les bien-pensants de gauche et autres partisans de la "laïcité ouverte" deviennent les alliés objectifs, les « idiots utiles », de ces dangereux militants antidémocratiques.
Dans un récit en arabesque qui passe du général au particulier, qui entremêle l'analyse des idéologies aux exemples de leurs conséquences réelles sur les individus, en Égypte ou en Iran aussi bien qu'au Québec ou en Belgique, Djemila Behabib lance ici un appel à la vigilance démocratique et un plaidoyer sans concession pour la laïcité.
**************
«Je sais que l’avancée des voiles
islamiques, c’est le recul de la démocratie et la négation des femmes. Je sais
que l’islam politique n’est pas un simple mouvement fondamentaliste, mais un
mouvement politique totalitaire qui a pour visée d’engloutir le monde après
avoir avalé la démocratie (p. 295) ».
Les États arabo-musulmans sont sujets à un
déterminisme assez remarquable : lorsque la porte de la démocratie s'entrouvre,
ce sont les mouvements islamistes qui entrent. La Palestine, avec le Hamas,
l’Irak, l’Égypte, la Syrie, la Tunisie, le Maroc, pas une de ces nouvelles
démocraties n’a échappé à cette tendance lourde. Le cas de l’Égypte est le plus
frappant: les Frères musulmans, dont la modération est très limitée, et le
parti salafiste, carrément intégriste, cumulent plus de 60% du suffrage aux
dernières élections, de quoi faire retourner dans sa tombe le très nationaliste
Gamal Abdel Nasser! Bien sûr, la plupart de ces partis se sont réclamés d’un
islamisme modéré, mais si on gratte un peu on découvre que derrière cette
profession de foi se cachent souvent de vieux démons intégristes.
Ainsi, le Parti de la Justice et du Développement
(PJD) qui a dernièrement pris le pouvoir au Maroc se réclame de la modération.
C’est pourtant ce même parti (alors que le Maroc révisait en 2004 le Code de la
famille) qui s’opposait à ce que l’âge du mariage des jeunes filles passe de 15
à 18 ans ainsi qu’à la suppression de la polygamie et défendait la tutelle des
hommes sur les femmes. On peut par conséquent se demander si cette modération
affichée ne cache pas une intention intégriste. Cette intention qui concerne
l’intérieur du monde musulman pourrait aussi bien viser l’extérieur, et
particulièrement le monde occidental. C’est en tout cas ce que laissaient supposer
les déclarations de Tariq Ramadan, un éminent intellectuel organique de
l’islamisme en occident, le 27 juillet 2011.
Avant qu’il ne prenne la parole dans un hôtel de
Dallas, on fit sortir de la salle les non-musulmans qu’on put identifier même
s’ils avaient acheté leurs billets et qu’ils ne manifestaient pas d’écarts de
conduite. Se sentant en confiance, Ramadan déclara alors à ses partisans: «Ça
devrait être nous, avec notre compréhension de l’Islam, avec nos principes qui
colonisons positivement les États-Unis d’Amérique.» (Point de Bascule,
20-09-2011).
Dans le même ordre d'idée et quelques années
avant, une fatwa publiée sur IslamOnLine
en 2002 et archivée sur MEMRI (http ://www.memri.org/report/ en/o/o/o/o/o/o/774.htm),
le guide spirituel des Frères Musulmans et mentor de Tariq Ramadan, Youssef
Qaradawi, avait déjà fait état d’un plan formel de conquête de l’Occident en
établissant un parallèle entre les offensives islamiques militaires du passé et
les offensives islamiques idéologiques du présent :
L’islam
va retourner en Europe comme un conquérant et un vainqueur après en avoir été
expulsé à deux reprises, une fois au sud en Andalousie (Espagne — 1492) et une
seconde fois à l’est quand il frappa à plusieurs reprises aux portes d’Athènes
(1830). [...] Cette fois-ci, je maintiens que la conquête ne se fera pas par
l’épée, mais grâce au prosélytisme et à l’idéologie.» (site Point de Bascule
«La conquête de l’Occident par le jihad idéologique» http://poin- tdebasculecanada.ca/articles/i346.html)
Ce sont ces craintes et la crainte de l’islam
politique qui alimentent les propos de Djemila Benhabib dans Les soldats d'Allah à l’assaut de l’occident, un ouvrage de près de 300 pages, abondamment documenté. Sa thèse est
relativement simple: le mouvement islamiste radical veut conquérir le
Moyen-Orient, mais il est également engagé dans une islamisation de l’Occident.
Il a bien entendu recours pour cela au terrorisme, mais également à tous les
moyens légaux institutionnels que fournissent les démocraties occidentales. Cet
islamisme politique enrobe son discours d’une rhétorique rassurante trompeuse
et sa stratégie se résume en un mot, «taqiyya», une expression qui a le sens de
tromperie justifiée envers les non-musulmans.
Ce sont les milliards de l’Arabie
Saoudite qui permettent la montée foudroyante de l’islam politique depuis une
quarantaine d’années et les Frères musulmans, dont le mouvement fut fondé en
1928 par Hassan al-Banna, en sont le fer de lance. Pour ce dernier, les piliers
centraux de la société devaient être le statut de la femme et la morale sexuelle. D’après Benhabib, en se servant de «taqiyya» (la
tromperie) et en appliquant la parole du Prophète: « la guerre est ruse », les
frères et leurs adeptes ont grugé la société égyptienne de l’intérieur
(hypothèse que les dernières élections semblent valider fortement.)
Pour étayer son propos, madame Benhabib, dont la
famille d’ailleurs avait été condamnée à mort par les islamistes en Algérie en
1994, divise son texte en deux grandes parties. Elle traite premièrement du
monde islamique et de la percée «foudroyante» de l’islam politique. Elle
s’étend ensuite longuement sur l’état de la question musulmane au Québec. En la
lisant, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le livre de Sami
Aoun, Le retour turbulent de Dieu, dont nous avons
parlé dans Les Cahiers de lecture de l’automne
2001. Le ton de Sami Aoun m’a paru cependant plus modéré, davantage enclin au
dialogue entre religions.
Benhabib est plus incisive, elle assimile carrément
l’idéologie wahhabiste à l’idéologie fasciste et soutient que la zone de
dialogue semble radicalement réduite. Elle démontre très bien comment les
tentatives rationalistes et modernistes au fil des siècles ont été laminées par
les puissants courants orthodoxes. Elle s’attarde beaucoup sur la question de
la condition des femmes tant la question féministe occupe une place centrale,
sinon obsessionnelle, dans l’islam politique. Il faut lire à la page 30 la
partie intitulée : « Les idiots utiles au service du fascisme vert»; le
fascisme vert étant le régime islamiste iranien.
Bientôt
les milices vont scruter la moindre parcelle du corps dénudé des femmes. Alors
que leur sexe est déjà devenu une affaire d'État, à celui des hommes se rattache
la promesse d’Allah avec ses 72 houris (ou 70 selon certaines sources) aux
grands yeux, à la peau blanche, et aux vulves appétissantes. Dans ce paradis
hyper sexualisé, les houris restent toujours vierges et le pénis des élus ne
faiblit jamais. Le sperme gicle et regicle. Bref, érection et jouissance sont
éternelles. Les délices de l’au-delà sont réservés aux plus méritants. Ici bas,
tous s’attellent à servir Allah (p. 30-31).
Et les idiots là-dedans ? Et bien selon Benhabib
ce sont les bien pensants, de gauche en général, qui, en fermant les yeux sur
ce que le régime des ayatollahs avait de moyenâgeux l’ont en partie cautionné.
Michel Foucault, lui-même, (le grand Foucault!), ne voyait-il pas dans la
révolution islamiste ce qui faisait défaut à l’Europe, c’est-à-dire «une
spiritualité de la politique (p. 31) » ?
Djemila Benhabib décrit très bien les facteurs
endogènes à l’origine de l’islam politique sans négliger pour autant les
facteurs exogènes, et en particulier le rôle de la Grande-Bretagne et des
États- Unis. La cécité de ces derniers paraît, a posteriori, fort troublante.
Benhabib insiste sur l’idée que la montée de l’islamisme politique ces
dernières années est tributaire de l’argent de l’Arabie Saoudite.
Pendant
les années 1980, l’Arabie Saoudite a dépensé quelque 75 milliards pour la
propagation du wahhabisme, le financement d’écoles, de mosquées et d’organismes
de bienfaisance partout dans le monde islamique (Mai Yamani, «extremist
ideology can only revive bin Laden's ghost» The Daily Star,
5 mai 2001), cité par Benhabib, p. 164.
Mais cela n’a pas empêché le soutien des
Américains à une des pires théocraties du monde. Selon l’auteure, les
Occidentaux et les Américains en particulier, ont fait deux erreurs
historiques: avoir signé en 1945 un pacte avec l’Arabie Saoudite garantissant
aux Américains un accès au pétrole arabe en échange d’une protection militaire,
et avoir armé les résistants afghans durant l’occupation soviétique. Zbigniew
Brzezinski, l’ancien secrétaire de Carter pour la sécurité, ne déclarait-il pas
au Nouvel Observateur le 15 janvier 1998 que
c’était une sottise de croire qu’il existait un islamisme global (p-157)?
Benhabib examine finalement la société québécoise
à travers une centaine de pages «serrées». Là encore, elle se distingue de Sami
Aoun pour qui les politiques québécoises en la matière semblaient plutôt
satisfaisantes. Le constat de Benhabib est moins optimiste, pour ne pas dire
catastrophiste. Elle considère que le Québec a mis les doigts dans l'engrenage
et qu’il est à la croisée des chemins. Elle disserte évidemment abondamment sur
le fameux voile islamique et fustige la dérive communautariste de la Fédération
des femmes du Québec et de Québec solidaire. L’auteure décrit également la
stratégie des porte-parole féministes islamistes qui consiste à victimiser les
musulmans tout en culpabilisant les Québécois.
Son analyse sur l’influence
qu’exerce Tariq Ramadan sur les féministes islamistes est troublante, sinon
édifiante. Elle crucifie évidemment les tenants de la laïcité ouverte et la
commission Bouchard-Taylor et s’attarde ensuite sur la complaisance de la
gauche féministe et de la gauche radicale envers les islamistes. On ne peut
s’empêcher là de faire une analogie avec les idiots utiles de la révolution islamiste
iranienne. L’essayiste se penche sur le personnage Khadir, déchiré, selon elle,
entre un antiaméricanisme primaire, une haine d’Israël, un penchant pour la
révolution, même si elle est islamiste, et une certaine conscience de la
dimension rétrograde du discours islamiste.
Que
reste-t-il au juste chez Khadir de cette sensibilité à l’Islam politique ?
Cette page est-elle vraiment tournée ou y a-t-il encore chez cet agitateur
enflammé un vieux fond islamiste qui imbibe son schéma de pensée? À analyser
son cheminement, il semble fort probable que les vieux réflexes aient la peau
dure et qu’ils ressurgissent aux moments clés de nos débats politiques (p.
282).
Djemila Benhabib reconnaît qu’au Québec rares
sont les personnalités publiques de culture musulmane ou arabe qui sont
capables d’assumer pleinement l’autonomie de leur jugement vis-à-vis leur
communauté d’origine. Amir Khadir n’échappe peut-être pas à ce déterminisme. Sa
sympathie pour Tarik Ramadan, l’honneur qu’il a reçu de la part de la
Fédération des Canadiens musulmans, sa défense du voile islamique ainsi que son
ambiguïté vis-à-vis la théorie du complot en ce qui concerne les évènements du
11 septembre, en témoignent. En défendant une laïcité radicale et un
anti-islamisme sans concession, Djemila Benhabib s’est quant à elle extirpée de
cette solidarité clanique, c’est le moins qu’on puisse dire ! ❖
-o-o-o-o-o-
-o-o-o-o-o-
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire