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mardi 21 août 2012

L’ÉTOFFE D’UN PREMIER MINISTRE (3)


TROISIÈME PARTIE

Dans le numéro de septembre 2012 du magazine L'Actualité, on trouve un article remarquable sur Mme Pauline Marois, chef du Parti Québécois et candidate au poste de Première Ministre du Québec à l'élection du 4 septembre.

Cet article permet de découvrir une Pauline Marois beaucoup plus réelle que dans dans l'imagerie déformée qu'on voit et raconte trop souvent...

À l'intention de ceux et celles qui n'auraient pas accès à cet article, un troisième extrait se trouve ci-dessous.

Source :  L'Actualité

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PAULINE MAROIS : L’ÉTOFFE D’UN PREMIER MINISTRE ?

Troisième partie

L’ACTUALITÉ  -  1er septembre 2012


UN PETIT CARRÉ ROUGE

Parmi le concert de points de vue qu'elle s'emploie à harmoniser, certains cherchent la voix de la chef. Ils se demandent si Pauline Marois possède une boussole assez sûre pour naviguer dans les brouillards de la politique. Ou si elle se laisse trop facilement guider par le jugement des autres.
Quand elle a changé de rédacteur de discours, l'automne dernier, les journalistes de la colline Parlementaire s'en sont aperçus tout de suite, fait remarquer Michel Pépin, analyste politique à la radio de Radio-Canada. «Jean Charest aussi a changé de scribe à la même période, dit-il. Mais dans son cas, ça n'a pas paru. » Comme si Marois n'arrivait pas à imprimer sa personnalité propre, sa conviction profonde aux mots que ses conseillers lui prêtent. Comme si ces mots restaient, en quelque sorte, une partition qu'elle interprète.
Le député Jean-Martin Aussant, qui a déserté le PQ l'an dernier, est l'un de ceux qui trouvent que le navire péquiste a le gouvernail faible. « Une chef qui a des convictions solides, qui a le courage de ses positions, n'aurait peut-être pas besoin de s'appuyer autant sur ses conseillers pour savoir ce qu'elle devrait dire ou ne pas dire », estime le fondateur d'Option nationale, formation politique qu'il veut plus résolument indépendantiste que le Parti québécois. « Le parti gère trop par sondages. Il est devenu une machine à regagner le pouvoir plutôt qu'une machine de convictions. Si Mme Marois voit qu'elle a plus de chances de reprendre le pouvoir sans parler de souveraineté, elle le fera sans hésiter. Ce que je déplore, c'est cette volonté de tout le temps s'ajuster à ce qu'on entend un peu partout pour être élue à tout prix. »
Son image de femme qui tergiverse a été son talon d'Achille depuis le début du « printemps érable », cette saison de contestations d'une ampleur rarement vue au Québec. Les libéraux se sont acharnés à la peindre comme une girouette qui n'a pas de position claire sur les droits de scolarité, comme une opportuniste qui porte le carré rouge sans y croire. Même des alliés potentiels, chez Québec solidaire, ont du mal à la suivre. Surtout depuis que Marois a remisé, fin juin, le fameux morceau de feutre qu'elle avait arboré tout le printemps, affirmant qu'elle soutient toujours la cause, mais qu'il faut aussi parler d'autre chose à l'approche des élections. « II faut s'assumer dans la vie, proteste Françoise David, co-porte-parole de Québec solidaire. Ça fait un message drôlement ambigu : j'appuie les étudiants, mais je ne porte plus le carré rouge. Madame Marois, où est-ce que vous allez au juste ? Elle veut conquérir des milieux qui ne sont peut-être pas si carré rouge que ça. Pendant ce temps-là, ceux qui sont carré rouge se disent: mais qu'est-ce que c'est que cette façon de changer d'idée? Et ça les amène à venir nous voir. »
Ça fait des mois que Pauline Marois insiste sur ce point sans réussir à faire passer son message : si elle avait été première ministre, elle aurait ouvert le dialogue bien avant que la protestation étudiante tourne à la révolte. Si elle est élue, elle prévoit suspendre la hausse des droits de scolarité et convoquer toutes les parties concernées à un sommet sur l'enseignement supérieur. « Nous, on en a eu des conflits. On a toujours fini par les régler, pis on n'a pas attendu que ça se déglingue, tsé. Pis on s'est assis avec le monde, pis on leur a parlé », m'a-t-elle expliqué, galvanisée, pendant une mise en plis matinale chez Serge, le 26 avril. La veille, les négociations entre les associations étudiantes et le gouvernement — les premières de la crise — s'étaient brutalement rompues, et des milliers de personnes avaient déversé leur colère dans les rues de Montréal lors d'une soirée particulièrement turbulente. « On va asseoir tout le monde à la table et on regardera différents scénarios. Faut que t'acceptes d'écouter, de te laisser un peu convaincre, influencer. Des fois, les solutions sont plus intéressantes quand elles viennent de la base. La concertation, ça donne des solutions plus durables, auxquelles les gens adhèrent. Pis t'évites des conflits. »
Ce n'est pas une position tranchée au couteau qu'elle défend, donc, mais une approche. La certitude qu'en se parlant on trouvera un terrain d'entente dans une dispute pourtant marquée jusqu'ici par l'intransigeance et la polarisation. Ça peut sembler nébuleux comme engagement, utopique même. Ça promet d'être échevelé, peut-être chaotique. Et c'est moins vendeur qu'une solution toute tracée qui se formule en dollars et en pourcentages.
Sa méthode a fait ses preuves dans des circonstances tout aussi explosives. Elle n'avait pour ainsi dire aucune marge de manœuvre financière, en tant que présidente du Conseil du Trésor, quand elle s'est entendue avec les employés du secteur public sur de nouvelles conventions collectives, à quelques semaines du référendum de 1995. Ces négociations toujours épineuses s'étaient déroulées sans grève, dans un climat serein qui avait étonné les observateurs. Lorraine Page, qui présidait alors le syndicat des enseignants, la CEQ, garde le souvenir d'une interlocutrice disponible, qui ne rechignait pas à rencontrer les leaders syndicaux et qui se creusait la tête pour trouver des compromis. Pas de bluff derrière des lunettes fumées à la table de poker. « Elle donnait l'heure juste, précise-t-elle. Elle nous disait: "Ça, c'est possible. Ça, je suis pas vraiment capable de l'envisager : y a-tu moyen de regarder ça autrement?" » À défaut d'obtenir les augmentations de salaires espérées, les syndiqués avaient décroché, par exemple, plusieurs améliorations dans l'organisation du travail.
Ce que Lorraine Page retient surtout, c'est l'impression d'avoir été face à une associée plutôt qu'une concurrente — une attitude salutaire dans un contexte d'extrême austérité. « C'a été des années très difficiles sur le plan budgétaire. Et, ma foi, il y avait tout ce qu'il fallait pour des affrontements majeurs, enchaîne-t-elle. Quand on est devant un vis-à-vis qui est à l'écoute, qui ne se braque pas, qui nous respecte, c'est sûr que ça permet des rapprochements qui sont impossibles avec quelqu'un qui se ferme, qui fonctionne par ultimatum. Il y a des ministres qui nous écoutent pour la forme. Ils sont incapables de concevoir qu'il puisse y avoir autant de bonnes idées de l'autre côté ; ils se croient presque investis d'un droit divin. Ce n'était pas le cas de Pauline Marois. Ça ne veut pas dire qu'elle ne pouvait pas tenir tête. Mais elle n'était jamais méprisante. Si on ne réussissait pas à la convaincre, on repartait tout de même avec le sentiment qu'on était considérés comme un partenaire à part entière. »
L'ancien leader étudiant Etienne Gagnon, aujourd'hui économiste dans une grande organisation de Washington, a eu affaire à Pauline Marois à plusieurs reprises lorsqu'elle pilotait le ministère de l'Éducation. À l'ère des grands sommets du milieu des années 1990 — les deux sur le « déficit zéro », les États généraux sur l'éducation —, il a tenu la barre de la Fédération étudiante collégiale du Québec. Une chose l'a spécialement marqué : la manière qu'elle avait de rallier les gens en expliquant son raisonnement, sans mettre son poing sur la table ni se draper dans sa posture d'autorité. « II y avait toujours un moment dans nos rencontres où elle présentait ses contraintes, son objectif et ce qu'elle aurait aimé faire s'il n'y avait pas eu de contraintes. Puis, elle disait c'était quoi, selon elle, une solution raisonnable, étant donné la position de chacun des camps. Ça favorisait l'empathie ! Ça nous permettait de comprendre comment ils arrivaient à certaines positions. Sans être nécessairement d'accord, ça nous amenait à respecter la décision. » C'était une époque, soutient-il, où les politiciens étaient plus sensibles au point de vue des jeunes, et les voies de communication, plus ouvertes. « On était pris au sérieux. J'avais, quoi... 19,20 ans à l'époque. Mais les fédérations avaient vraiment un bon accès à son cabinet » Ainsi, en 1996, quand les étudiants ont déclenché une grève sur la foi de rumeurs d'un dégel des droits de scolarité (rien n'était encore coulé dans le béton), le dialogue avec le gouvernement était déjà établi, se rappelle-t-il. Au bout d'un mois, Pauline Marois avait annoncé le maintien du gel... en même temps que des mesures contestées, comme la «taxe à l'échec» pour les cégépiens et l'augmentation des droits pour les étudiants étrangers.
Chacun à leur manière, les sept chefs que le Parti québécois s'est donnés depuis 1968 ont tâché de résoudre le double casse-tête consistant à diriger des troupes dissipées, animées d'un rêve d'indépendance qui semble souvent hors de portée, tout en persuadant les Québécois de leur confier les rênes de l'État. La députée et ancienne ministre péquiste Louise Beaudoin les a presque tous connus. «Avec M. Parizeau, on était comme une armée derrière le général, pis tout le monde l'acceptait, parce qu'on savait qu'un référendum s'en venait, souligne-t-elle. M. Lévesque, c'était un charismatique émotif, un passionné. Avec Lucien Bouchard, on avait beaucoup de théâtre, c'était inspirant ! Et Mme Marois ? Ce serait... la raison dans la passion contenue. C'est une femme raisonnable, Pauline. »
Une leader un peu plus réfléchie, un peu moins passionnante. Une commandante qui hésite avant de charger, moins prompte à mettre au pas son bataillon. Une patronne attentive à l'opinion d'autrui, capable de se remettre en question, qu'on n'a jamais vue piquer une crise ou monter sur une chaise pour se faire applaudir. «C'est une femme qui doute, mais dans le sens positif du terme, c'est-à-dire qu'elle n'a pas le sentiment d'avoir systématiquement la vérité, résume Nicole Boily, son ancienne chef de cabinet. Elle ne fonce pas tête baissée sans avoir analysé les choses. Mais ça peut être perçu comme quelqu'un qui est incapable de se décider. C'est une forme de leadership qu'on retrouve peu dans le monde politique, dans le monde des hommes.»
Le pouvoir peut-il se conjuguer « au féminin» dans un milieu où les règles du jeu et la majorité des acteurs sont encore « masculins »? C'est la question que soulève l'essayiste Pascale Navarro dans son livre Les femmes en politique changent-elles le monde ?, paru en 2010. Des politiciennes comme Monique Jérôme-Forget et Monique Bégin, ancienne ministre fédérale de la Santé, y racontent que leur insistance à consulter les autres et leur disposition à admettre leurs torts — des traits qui seraient plus courants chez les femmes — ont été perçues dans leur entourage comme des signes de faiblesse. « Le doute : peut-on enfin accepter qu'un ou une chef expose ses interrogations sans que soit remise en question son autorité? écrit Navarro. Si oui, plus de femmes se verront dans des postes de direc- -tion. Un leadership plus ouvert, capable de s'adapter aux différentes situations sans vouloir maintenir à tout prix une position immuable, voilà qui paraît plus réaliste. » Dans une ère où les hiérarchies traditionnelles s'écroulent, où s'effritent les vieux rapports de dominance, suggère encore l'auteure, un autre pouvoir est-il possible ?

Cachez la femme

La femme publique montera sur scène dans quelques minutes pour prononcer un discours fondateur, dans un hôtel d'Alma, à l'occasion de l'investiture du député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier. Ce sera la première fois qu'elle teste les grands thèmes de sa campagne électorale : s'affirmer, s'enrichir, s'entraider. Les circonstances exigent de la stature. Dans la petite pièce où s'est réuni son entourage, elle troque sa veste printanière à carreaux bleus contre un tailleur gris foncé, remplace ses bijoux de lapis-lazuli par de simples anneaux d'argent. Quand elle fera son entrée dans la salle, flanquée de quatre députés et d'un candidat en complets interchangeables, la chef aura l'air presque aussi sobre qu'eux... juchée sur ses féminissimes escarpins en cuir verni noir à talons vertigineux.
Durant ces intermèdes, elle devient la Pauline chaleureuse et pas compliquée que ses proches m'ont décrite. Une femme capable d'étonnants élans de légèreté et de gentillesse dans des moments de stress : il faut la voir, entourée de ses collègues cravatés, mettre la touche finale au scénario de la soirée tout en se vaporisant de parfum (elle en traîne deux flacons dans son sac à main), jaser crèmes et manucure avec la maquilleuse venue faire sa mise en beauté, me montrer les boîtes à pêche qui lui servent de coffres à bijoux ou le reprisage qui a ressuscité son vieux pantalon. Même en période de crise, elle trouve refuge dans des plaisirs ordinaires — s'occuper de son jardin, monter des albums de photos, lire des polars, se mettre aux fourneaux, recevoir. « Quand on était à table, elle avait cette manie de nous demander : "Est-ce que c'est le bonheur ? On est en famille, on a un bon repas, on n'est pas bien, là?"» raconte son fils Félix, qui dit qu'elle protégeait jalousement les soupers du dimanche. «Elle aimait savoir que la vie était belle et qu'on était choyés. »
Alors que sa carrière se trouvait au bord du gouffre, en décembre dernier, l'hôtesse a elle-même cuisiné saumons et salades pour une vingtaine d'invités dans sa maison de Charlevoix. « Pauline la fine », qu'ils disaient. Pauline l'enjouée qui chante (et fausse) à corps perdu dans les fêtes de Noël, Pauline la bienheureuse malgré tout. « Elle sait garder son équilibre, souligne son amie Catherine Pagé-Asselin. Sa vie familiale la ressource terriblement. Toute son existence et le sens de sa valeur personnelle ne sont pas investis dans la politique. Les démons, pour Pauline, y en a pas un gros char. »

UN CHÊNE ? NON, UN ROSEAU

Lorsqu'elle prend le micro au son des « Pauline ! » et des « olé ! olé ! olé ! » chantés par la foule d'Alma, l'œil rivé sur les télésouffleurs, une part d'elle-même reste au vestiaire. Quelque chose en elle s'assombrit, tout son corps se raidit, comme si une chape d'angoisse se refermait sur son être. Je l'ai pourtant vue exposer sensiblement les mêmes idées mais dans ses propres mots, la veille, lors d'un cocktail de financement à Sept-îles : elle a pris la parole sans notes, sans filet, et elle y a mis un cœur et un magnétisme qu'elle semble incapable de transposer, ce soir, sous les feux de la rampe. Elle est presque méconnaissable.
C'est un défi pour n'importe quel politicien de gagner la faveur de la population en restant authentique. Mais la marge de manœuvre est particulièrement étroite pour les femmes.
L'ancien député péquiste Rosaire Bertrand est l'un des rares, dans les milieux politiques, qui osent l'affirmer sans ambages : « Pauline devra toujours en faire davantage. On lui fait des choses qu'on ne ferait pas si Pauline s'appelait Paul. Hey, qu'on arrête de crier au scandale quand on dit ça ! C'est tellement flagrant», estime celui qui a offert de céder sa circonscription de Charlevoix à la chef lorsqu'elle est sortie de sa retraite, en 2007.
La question n'est plus de savoir si les Québécois, dans l'isoloir, sont prêts à tracer un « X » à côté du nom d'une femme. Les réticences sont bien plus insidieuses. La loi du « deux poids, deux mesures » fait que des traits qu'on admire chez un politicien se transforment en défauts quand on les observe chez une politicienne, constatent des spécialistes. On dira d'un homme qu'il a de l'autorité, d'une femme qu'elle est autoritaire, avec la connotation péjorative que cela comporte. La colère d'un homme lui donne de l'envergure, celle d'une femme la diminue. Manon Tremblay, de l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa, soupçonne aussi qu'on se permet plus volontiers d'attaquer le leadership d'une femme. «Le cas de Mme Marois me semble illustrer le fait qu'une femme en politique peut subir des foudres encore plus violentes de son environnement qu'un homme, » avance-t-elle. « Est-ce que les gars acceptent si facilement que ça d'être dirigés par une femme ? Je n'en suis pas convaincue. »
En fait, les femmes leaders sont aux prises avec un dilemme insoluble, selon des recherches menées tant dans le milieu de la politique que dans celui de l'entreprise. Pour être crédibles, elles doivent manifester les qualités «viriles» qu'on attend d'un chef, mais ce faisant, elles risquent d'enfreindre les codes traditionnels de la féminité. Ainsi, les candidates se retrouvent assises entre deux chaises : elles doivent se montrer assez combatives pour être convaincantes comme leaders... mais pas trop, car elles pourraient paraître trop rudes, trop agressives pour des femmes, et rebuter l'électorat. En revanche, si elles se présentent sous un jour plus doux, chaleureux, empathique — féminin, au sens conventionnel du terme —, elles perdent de la crédibilité en tant que leaders. «Damned if you do, damned if you don't», comme disent les anglophones. « Dans la littérature des sciences sociales, on appelle ça la double contrainte, explique Anne-Marie Gingras, professeure de sciences politiques à l'Université Laval. Pas trop vieille, pas trop jeune. Pas trop jolie, pas trop laide. Pas trop féminine, pas trop masculine. Juste assez d'émotion, mais pas trop. Quand Hillary Clinton a fait campagne pour l'investiture démocrate aux présidentielles américaines, elle voulait insister sur sa compétence. Elle prenait bien soin de ne pas trop sourire, elle faisait très sérieux. Mais à un moment donné, on a dit qu'elle était froide. Il faut toujours marcher sur une corde mince. »
«Ne pas se sentir menacé par plus fort que soi, j'ai appris ça tôt Au contraire, ceux qui sont plus forts que toi peuvent t'aider à aller plus loin.»
Ce phénomène est à l'œuvre partout sur la planète, selon la politologue britannique Rainbow Murray, qui a examiné les campagnes de plusieurs candidates de haut niveau dans un récent ouvrage, Cracking thé Highest Glass CeilingiA Global Comparison of Women's Campaigns for Executive Office. Celles qui ont misé sur leur force de caractère pour se faire élire se sont vu qualifier de bitch, comme Hillary Clinton, de lesbienne, comme l'ex-première ministre néo-zélandaise Helen Clark, de glaciale, comme la chancelière allemande Angela Merkel. Celles qui ont davantage mis en valeur leur féminité, comme la candidate française Ségolène Royal et l'ex-présidente chilienne Michelle Bachelet, ont vu leur capacité de gouverner constamment mise en doute. Au Canada, trois provinces et un territoire sont actuellement dirigées par une première ministre, une situation sans précédent qui pourrait ébranler quelques mythes (quoique les femmes ne comptent encore que pour 25 % des parlementaires au fédéral et pour moins de 30 % au Québec).
Pauline Marois connaît bien ces tiraillements. Ces dernières années, la leader péquiste a fait des contorsions pour tenter de se mouler aux attentes schizophrènes des Québécois sans se travestir. Elle s'est cherché une image qui ne soit ni trop exubérante ni trop stricte, une attitude juste assez batailleuse mais pas trop, une stature de chef de gouvernement qui ne lui donne pas l'air dur ou hautain. Marois n'est pas toujours sortie indemne de ces jeux d'équilibriste. En 2005, on l'a traitée de pitbull quand elle a fait connaître son ambition de prendre la tête du PQ alors que Bernard Landry s'y accrochait encore. C'était sa manière plutôt malavisée de corriger l'hésitation qui lui avait valu des critiques quatre ans auparavant, lors du départ de Lucien Bouchard. «À ce moment-là, les gens avaient trouvé que j'avais pris trop de temps à me décider. Donc, en 2005, j'ai été trop vite. Aller contre un chef qui est en place, c'était pas une bonne idée. Et quand Bernard a annoncé qu'il s'en allait, dès le lendemain j'ai dit que j'allais être sur les rangs. C'a choqué beaucoup de monde. Mais en même temps, je voulais compenser ce qu'on m'avait reproché ! » m'explique-t-elle avec une résignation un brin triste.
Certains appellent ça un désir maladif de plaire. D'autres y voient une détermination à toute épreuve, une volonté de se plier à toutes les exigences pour atteindre ses objectifs. « Elle et moi, glisse Louise Harel, on a vu beaucoup de chênes s'abattre : M. Lévesque, M. Parizeau, M. Bouchard, M. Landry. J'ai dit à Pauline : ‘Toi, heureusement que t'es un roseau.’ »

ET SI ELLE PERD?


« Qu'allez-vous faire si vous perdez ? »
C'est mon dernier rendez-vous chez le coiffeur avec Pauline Marois. Nous sommes le 6 mai, et les rumeurs d'élections imminentes s'amplifient, avec en toile de fond une crise étudiante qui s'emballe — entre l'impasse des négociations, les manifestations quotidiennes, une émeute d'une violence inouïe à Victoriaville, bientôt une loi spéciale musclée pour imposer le retour en classe, bientôt le chahut des casseroles protestataires.
« On va pas perdre ! s'esclaffe-t-elle joyeusement.
--- Vous en êtes sûre ou vous préférez ne pas y penser?
Je n'y pense pas. Je ne veux penser qu'à la victoire. En fait, la défaite est pas mal plus simple. Dans le sens où j'ai tellement de possibilités dans la vie de faire d'autres choses. C'est la victoire qui est compliquée.
--- Pourtant, on a dit de vous que vous étiez atteinte de l'ivresse du pouvoir...
Ah non ! dit-elle en pouffant de rire. « J'en connais trop les aspérités. Le pouvoir, c'est le moyen le plus puissant dans une société pour changer les choses. Il faut avoir un idéal, sinon c'est pas utile de faire de la politique. Parce que c'est trop frustrant, trop difficile. Donc, non, ça ne me rend pas du tout ivre. Si je ne suis pas élue, ce sera facile. C'est l'ivresse de la liberté. Tandis que la victoire, ce sera l'exigence du travail, les contraintes et les embûches. »
Cet après-midi, la chef péquiste empruntera la 20 et rentrera à la maison, à L'île-Bizard, pour une demi-journée de congé bénie avec son mari, avant de repartir. « Je m'en vais chez nous ! dit-elle dans un éclat d'allégresse. Je vais appeler mon chum. Je vais lui demander ce qu'on mange pour souper. » 
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 L'article complet en version pdf :  http://depot.pq.org/files/ff0749af21232481297c2d5810352c22/P_Marois_LACTUALITE.pdf



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« On va toujours trop loin pour les gens qui vont nulle part »
Pierre Falardeau
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« Quand nous défendons le français chez nous,
ce sont toutes les langues du monde que nous défendons
contre l'hégémonie d'une seule. » 
Pierre Bourgault
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