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jeudi 1 avril 2010

1967 - UN HOMME LIBRE !




Voici un texte fondateur du Québec moderne, ouvert sur le monde et agissant par lui-même.

On y trouve en particulier les grandes lignes d'une politique étrangère du Québec.

François Aquin  -  Vive le Québec libre !
VIGILE.net - mardi 2 février 2010

FRANÇOIS AQUIN

François Aquin est député libéral de la circonscription de Dorion de 1966 à 1967, année où il rompt avec son parti, en désaccord avec la réaction négative de celui-ci au "Vive le Québec libre !" du général de Gaulle. Il officialise sa démission le 3 août 1967 à l’Assemblée nationale par un discours éloquent où il rappelle la nécessité de réaliser au plus tôt la libération nationale.

Ce jeune avocat devient ainsi le premier député à faire valoir la cause de l’indépendance au parlement de Québec. En novembre de la même année, il participera à la fondation du Mouvement souveraineté-association, qu’il quittera le 29 juillet 1968, l’option de René Lévesque ne lui paraissant pas assez radicale.

Vive le Québec libre !


1967 -

M. le Président : L’honorable député de Dorion
Question de privilège
M. François Aquin

M. Aquin :

Monsieur le Président, je me lève sur une question de privilège. Vendredi dernier, j’ai donné ma démission comme membre du groupe parlementaire libéral et comme membre du Parti libéral. Je n’ai pu, en conscience, approuver la déclaration du parti concernant le voyage du président de Gaulle sur la terre du Québec. Le voyage du président, les propos qu’il à tenus, la franchise avec laquelle il est allé au fond des choses constituent un événement historique et un pas en avant dans l’accomplissement de notre destin.


Après avoir connu l’occupation du conquérant, la tutelle de l’étranger et les trahisons de l’intérieur, le peuple québécois considère depuis quelques années que l’État du Québec est l’instrument unique de son progrès. À cet État québécois manque l’affirmation internationale, affirmation aussi vitale pour un peuple que l’est pour un homme le besoin de communiquer avec les autres. A cet État québécois manque la maturité d’un statut constitutionnel propre qui lui donnerait tous les outils nécessaires pour transformer sa situation dans le sens de l’humain et dans le sens de la liberté.

[...] Au cri de "Vive le Québec libre !", c’est de l’âme de tout un peuple opprimé et brimé qu’est montée soudainement comme une réponse l’acclamation triomphale du 24 juillet. Il devenait exorcisé, ce mot de liberté, qu’avant certains osaient à peine murmurer, ce mot de liberté qui appartient pourtant à l’humanité, qui appartient aux nations, qui appartient à l’homme.


Ce jour-là, le président a révélé le Québec à beaucoup de Québécois et il a révélé les Québécois au monde. La prise de conscience de notre situation ne peut que coïncider avec celle de tous ces autres peuples du tiers monde qui, eux aussi, marchent vers leur réalité. Il en est des peuples comme des individus. C’est en creusant leur propre liberté que peu à peu le chemin s’ouvre vers les autres. Le président de Gaulle, en consolidant l’unité culturelle de la francophonie, a plaidé depuis longtemps la cause d’un nationalisme moderne, nationalisme progressiste, ouvert et pacifique qui l’emportera un jour ou l’autre sur le nationalisme bourgeois, territorial et guerrier des puissances colonisatrices. Cette cause, il l’a de nouveau plaidée sur toutes les routes du Québec. Et notre peuple, dont on se plaît si souvent à nous dire qu’il est noyé dans une mer de 200 millions d’anglophones, notre peuple s’est tenu debout. Il n’a pas craint les remous, il n’a pas craint les ressacs.

Il a répondu avec enthousiasme au message de décolonisation. Évidemment, pour ceux qui détruisent un peuple au Viêt-nam et pour ceux qui les cautionnent dans le cadre de soi-disant accords militaires, pour ceux qui tuent à Aden et pour ceux qui les cautionnent dans le cadre du Commonwealth, pour ceux qui oppriment en Angola et pour ceux qui les cautionnent dans le cadre de l’OTAN, pour ceux que scandalise la soi-disant ingérence d’une parole fraternelle, mais qui préfèrent l’envoi d’armées ou la livraison d’armes, la présence même du général de Gaulle en Amérique était un reproche vivant et ses paroles devenaient inacceptables.


Monsieur le Président, je voulais dire à mes collègues comment j’ai vu, comment j’ai compris, comment j’ai senti au plus profond de mon être les événements que nous avons vécus et qui préfigurent de grandes choses pour notre destin au Québec et notre destinée dans le monde. La prise de conscience du peuple, comme peuple et comme peuple dans le monde, commande le respect de l’homme qui a apporté ici l’étincelle. Elle commande aussi notre solidarité à tous, bien au-dessus des frontières partisanes autour du chef de l’État du Québec.

Celui-ci, vendredi dernier, a été, je le dis, égal à la situation dramatique que nous vivons et il a agi comme un véritable chef d’État.


Vous comprendrez qu’il m’était impossible, dans l’optique de ce que j’ai dit, d’approuver la déclaration du parti de l’opposition. Reproche voilé mais direct au président de la République française, attaque partisane contre le chef de l’État du Québec, surenchère électorale, la déclaration dont je me suis dissocié avait de plus l’effet de cautionner le geste du gouvernement fédéral et de rassurer par le gel antidémocratique des options constitutionnelles du parti, de rassurer la réaction américaine et canadienne. La solidarité partisane, l’efficacité dans un parti, le souci d’une carrière individuelle sont des objections qui ne tiennent pas lorsque, dans l’histoire d’un homme, se pose la question fondamentale d’agir suivant tout ce qu’il est.

Je siège maintenant ici seul, libre de tous les partis mais l’heure approche où chaque homme libre au Québec devra aller au fond des choses et dire le fond de sa pensée. Jamais n’a été aussi pressante l’œuvre de la libération du Québec, prisonnier d’une constitution tombée en désuétude et qui, tout en étant une entrave pour nous, est devenue un tremplin pour le gouvernement du Canada. Abandonnons ces masques du statu quo que sont le changement de la Constitution canadienne et l’évolutionnisme conservateur du statut particulier. Ce n’est pas en points d’impôt que l’on bâtit le destin d’un peuple. Par-delà les arguties et les juristes et les experts fiscaux, au plus profond de lui-même, le Québec a choisi la liberté.


La liberté suppose que l’État du Québec possède en propre la totalité des pouvoirs essentiels à transformer radicalement sa situation économique, sociale et culturelle. Il y a plus d’un chemin vers la liberté, mais si l’incompréhension des communautés avec lesquelles nous sommes encore prêts à négocier d’égal à égal ne nous laissait d’autre option, demain il nous faudra choisir l’indépendance. Dans la construction de cette liberté, les structures économiques et sociales devront changer, devront transformer l’homme québécois et la femme québécoise, qui deviendront collectivement responsables de notre révolution dans la paix, dans la justice et dans l’amour.

Monsieur le Président, j’ai voulu expliquer les raisons particulières, mais aussi les motifs généraux qui m’ont amené à prendre une décision grave.


J’ai pensé au passé et au présent, mais surtout à l’avenir, car la vérité est dans l’avenir. Dans 25 ans, dans 50 ans, alors que depuis des décennies le Québec sera devenu une patrie libre, alors que, par-delà les sociétés colonisatrices révolues, il aura tendu la main aux autres territoires libres d’Amérique, d’Asie, d’Afrique et d’Europe, alors qu’il fera le poids de la mégalopolis française sur le sol des Amériques, des hommes et des femmes viendront dans cette enceinte et ils ne seront pas intéressés par les débats partisans que nous y avons tenus. À notre sujet, ils ne se poseront qu’une seule question : Est-ce que c’étaient des hommes libres ? Vive le Québec libre ! Monsieur le Président, je vous demande le privilège d’occuper un autre fauteuil dans cette enceinte.

Pour une politique étrangère du Québec

1968 -


De 1961 à 1968, le Québec a franchi des étapes dans son affirmation internationale. Par la volonté québécoise qui les a inspirées, ces étapes ont rendu, à toutes fins pratiques, intenable le statu quo constitutionnel. Sous peine de se nier elles-mêmes, elles appellent et forcent un progrès. Nos tenants de la "voie du milieu" constitutionnelle amènent comme solution une modification au BNAA qui permettrait au Québec de siéger dans les commissions internationales et de conclure des traités dans les limites de sa compétence. Cette proposition ne me semble pas réaliste. Le consentement nécessaire d’Ottawa et des neuf autres provinces à une telle modification constitutionnelle relève, à mon sens, de la pure fantaisie. De plus, la limitation de notre action internationale au champ de la compétence provinciale ne ferait que transposer à l’extérieur le morcellement des pouvoirs étatiques qui nous paralysent déjà à l’intérieur. Seule une transformation radicale de la situation québécoise peut donner un sens aux étapes déjà parcourues et permettre au Québec d’être présent au monde. La recherche d’une solution rationnelle assurant la présence québécoise dans le monde doit s’intégrer dans la recherche d’une solution globale aux problèmes et aux défis que rencontre le Québec. Dans pareille optique, seule l’indépendance politique du Québec et l’entreprise de sa décolonisation m’apparaissent la réponse des hommes et des femmes d’ici au défi primordial d’être au monde dans cette seconde partie du XXe siècle.

La nation québécoise constitue un fait qui n’a rien de commun avec le sentiment d’une vague appartenance à un coin de terre. Un peuple, une histoire de trois cent cinquante ans, des traditions communes, une langue commune, un poids culturel commun, un territoire, un appareil étatique, une conscience collective de notre situation et d’un destin à façonner ensemble, autant de facteurs qui vérifient la définition d’une nation véritable. Ne saurait tenir l’objection que l’appareil étatique québécois ne réunit pas l’éventail complet des compétences d’un État. Qu’Ottawa détienne une partie de notre souveraineté s’avère la conséquence historique d’une conquête militaire et de constitutions par la suite imposées. Le peuple du Québec n’a jamais consenti un partage des compétences. En ce sens, il n’est pas exagéré de parler d’une véritable occupation.


Un nation qui se distingue essentiellement des groupes franco-canadiens et franco-américains. À part la langue et certaines traditions, nous décelons avec ces groupes une solution de continuité nationale.

Une nation qui s ’oppose à la communauté anglophone des neuf autres provinces. Nous n’avons pas choisi cette opposition. Elle nous a été imposée. La communauté anglophone ne constitue pas une nation. La moitié des provinces canadiennes est déjà sociologiquement américanisée. Les différences ethniques et régionales constituent des forces de rupture qui marquent irrémédiablement l’avenir canadien. Nous sommes donc en face d’une communauté hétérogène qui n’a en commun que sa perpétuelle interrogation sur les aspirations des Québécois. What does Quebec want ?


Une nation française coupée pendant deux siècles de la France et de la francité. C’est dans cette séparation que le drame québécois prend sa source. Le Québec ne sera jamais totalement en Amérique du Nord. Il est d’ici, mais il est aussi d’ailleurs. Cette situation, en lui laissant un passé et un avenir, lui a ravi une bonne part de son présent. Pour vivre, le Québec doit se projeter vers l’avenir, se forger un destin qui lui soit propre, un destin français.

Une nation ouverte sur le monde. Le Québécois, comme tout citoyen du globe, vit à l’heure du monde. Les Québécois sont fiers de ce qu’ils ont accompli depuis quelques années. C’est par l’État qu’ils l’ont réussi. Ils en ont conscience. Il est indiscutable que la nation québécoise ait besoin d’un État pour continuer son progrès.


Tous les champs de la compétence étatique tendent aujourd’hui à se continuer dans la vie internationale. L’éducation, la culture, la recherche scientifique, la sécurité sociale, l’immigration, le travail, la santé, les ressources naturelles, les communications, etc., n’ont de sens que dans l’échange qui va du national à l’international, et de l’international au national. Il n’y a aucun doute que le Québec doit être représenté officiellement partout dans le monde, être présent aux commissions internationales, conclure les traités qu’exigent ses besoins et ses aspirations. De plus, la compétence exclusive du gouvernement fédéral en matière de relations internationales permet à Ottawa de confisquer à long terme des domaines qui ressortissent aux champs provinciaux. Cette dimension nouvelle presse l’heure du choix pour le Québec.

Nous avons noté que toutes les fonctions de la société, assumées ou devant être assumées par l’État, sont intimement reliées les unes aux autres et interdépendantes. Le politique est un système global. Nous devons donc admettre que cette vérité se transpose substantiellement sur le plan mondial. Le Québec doit posséder une politique globale dont le visage extérieur sera sa politique mondiale. Il serait utopique de croire à l’efficacité de notre action internationale dans le système actuel. Que vaudrait une entente culturelle québécoise avec un pays qu’Ottawa dénoncerait demain dans le cadre de sa politique étrangère ? À l’heure présente, la vassalité politique du Canada vis-à-vis les USA minimise et rend quasi impossibles nos relations avec le tiers monde. Le gouvernement québécois croit-il pouvoir siéger dans des commissions internationales sans prendre parti sur les grands débats qui ont une signification absolue de vie ou de mort pour l’humanité ? Une présence québécoise, à de pareilles conditions, n’aurait d’effet que de faire connaître aux nations un Québec en tutelle : le pays colonisé le plus riche du monde.


Si nous voulons une présence dans le monde, il nous faut relever le défi d’une politique mondiale autonome. C’est le prix de la maturité qu’il nous faudra payer. Si nous n’étions pas prêts, par hasard, à un tel sacrifice, il faudrait retourner le plus tôt possible dans le giron du gouvernement central avant que l’espace restreint qui nous y était réservé ne soit occupé par d’autres.

Le Québec est une nation qui doit s’ouvrir pleinement au champ des relations internationales. Quel est ce champ des relations internationales ? Faisant écho aux définitions modernes de la société internationale, Raymond Aron la décrivait récemment comme une société caractérisée par l’absence d’une instance qui détienne le monopole de la violence légitime. Manifestement, une telle société se construit pragmatiquement à travers le jeu des forces. Dès qu’apparaît un rapport constant de forces, celui-ci donne à la société mondiale une configuration nécessairement transitoire.


Pour certains, le monopole de forces entre les mains des USA semble une vérité irrécusable. Pour une autre école plus réaliste, mais traditionnelle, la force apparaît aux mains d’un duopole USA-URSS. La coexistence pacifique, l’entente sur la non-prolifération des armes nucléaires, l’inaction américaine lors de la répression de Budapest, l’intérêt de plus en plus théorique de I’URSS vis-à-vis de la décolonisation dans le monde, sont autant de signes de cette entente bilatérale consistant à se partager pacifiquement l’univers dans le cadre de zones d’influence préétablies. Dans cette perspective, l’affaire des missiles à Cuba pouvait s’interpréter comme une violation de l’entente et, comme telle, plaçait I’URSS dans une situation intenable. [...]

Les découvertes scientifiques, les systèmes modernes de télécommunications, la mobilité des hommes, la conscience commune des catastrophes thermonucléaires possibles, des ambitions exaltantes élargies aux dimensions d’une galaxie, ont commencé à bâtir une conscience collective de la société humaine. Cette insertion du Québécois dans le monde a rendu le Québécois réceptif aux influences mondiales et a accentué son désir d’y participer. Ainsi, les courants mondiaux de décolonisation ont-ils contribué à l’affirmation nationale du Québec. Sans aucun doute, l’exemplarité des révolutions algérienne, cubaine, congolaise a raffermi nos ressorts psychologiques. En contrepartie, l’affirmation nationale a provoqué le désir plus ou moins conscient, mais réel, de participer directement et immédiatement à la vie mondiale, sans passer par la médiation de la structure coloniale du gouvernement central. Dans cet échange vital, Ottawa est vite apparu comme un corps étranger, relent d’un passé d’humiliations.


D’ailleurs, ce désir s’inscrit dans les coordonnées de notre époque dominée par le double courant de la décolonisation et de l’universalisation. Pendant que la planète se réduit de plus en plus à la dimension d’une tribu, suivant le mot de McLuhan, les particularismes culturels s’affirment avec plus de vigueur et s’identifient dans des entités nationales. Cette dialectique des forces centrifuges et des forces centripètes apparaît comme la vérité première de notre présent et de notre avenir. La méconnaissance de cette vérité mènerait l’humanité à sa fin biologique et culturelle. La volonté d’enracinement de l’homme moderne plonge dans l’histoire la plus ancienne. Ainsi, la révolution mexicaine a tenté de renouer avec la civilisation aztèque. Le régime de Nasser dit remonter aux pharaons dans son inspiration égyptienne. Le pouvoir noir aux USA distribue à ses membres des cartes X pour indiquer que le vrai nom de famille africain est inconnu. Une fierté est née aux hommes. Une fierté est née aux hommes de couleur, aux faibles, aux opprimés.

Claude Lévi-Strauss a démontré dans Race et Histoire que ce renforcement des particularismes culturels n’est pas une réaction négative, mais la condition même de la survie culturelle et biologique de la race humaine. L’homogénéisation de l’humanité mènerait, à toutes fins pratiques, au suicide collectif. L’humanité devra donc vivre en acceptant ces deux pôles : affirmation des particularismes culturels, universalisme. Le Québec est lui-même entré dans cette dialectique vitale fondamentale : il veut être québécois, il veut être présent dans le monde.


L’affirmation nationale du Québec a coïncidé avec son affirmation étatique. L’État est apparu comme le seul levier de notre affirmation. L’extension du champ politique à l’ensemble du champ social nous a fait réaliser l’unité nécessaire de l’appareil étatique. En effet, les fonctions éducationnelles, culturelles et économiques de la société ont été progressivement et inégalement assumées par l’État. Seule la fonction économique continue sa croissance anarchique sans contrôle étatique rationnel. Il nous est apparu alors qu’un contrôle étatique maintenu à un double niveau fédéral et provincial créait à l’intérieur même de l’État un morcellement, un mécanisme concurrentiel et reproduisait une structure coloniale.

Pour le Québec, se choisir équivaut à se choisir dans ce monde tourmenté, inquiet, livré aux contradictions fondamentales que sont la vie et la mort, l’opulence et la misère, l’oppression et la liberté.


Un Québec indépendant devra se donner une politique mondiale globale intégrant les impératifs de ses aspirations et de ses intérêts, mais aussi ceux d’une vision du monde qui lui soit propre et d’une éthique de la liberté.

Le Québec ne peut se replier sur lui-même. Toute tentative d’autarcie équivaudrait à un véritable suicide. Le Québec doit intensifier ses relations avec les pays économiquement développés. Cependant, s’il veut acquérir la liberté de manœuvre nécessaire à l’élaboration d’une véritable politique étrangère, il devra concentrer ses efforts sur la diversification de ses relations avec le plus de pays possible. Il est faux de croire que le voisinage américain condamne nos relations internationales au fixisme actuel. Le voisinage géographique n’est sûrement plus économiquement un déterminisme absolu, s’il en fût jamais un.


De plus, le Québec peut devenir un ferment dans la construction véritable de la francité. Au-delà d’une communauté culturelle, la conscience collective de certaines grandes valeurs humaines amènera probablement la francité à jouer dans l’avenir un rôle distinct dans le champ du politique international. Un Québec français se dégageant de ses structures coloniales, s’affirmant comme un pays libre, possédant les structures économiques et technologiques d’un pays développé, peut présenter une synthèse vraiment nouvelle et originale. Ainsi la France et le Québec peuvent devenir les deux pôles d’affirmation du monde francophone.

Le Québec doit de toute évidence établir des relations internationales avec les pays du tiers monde. Il doit les intensifier le plus possible. Il n’y a aucun doute qu’une telle politique est la condition même de notre insertion dans la réalité mondiale et la garantie d’une véritable indépendance.


Le Québec se nierait lui-même s’il ne s’engageait pas dans une politique de paix dont la dynamique serait fondée sur la liberté des peuples et la coopération entre les peuples. Endosser le mouvement de la décolonisation, pratiquer la coopération, appuyer les revendications du tiers monde, se trouver partout du côté de la liberté contre l’agresseur, ne serait-ce pas l’avenir grandiose de ce peuple au sortir de deux siècles d’humiliations et le moyen pour lui de renouer avec le dynamisme historique qui a déjà été le sien ?

Le Québec nous est apparu une nation authentique. Agissant dynamiquement à l’intérieur et commençant de s’affirmer à l’extérieur, dans les compétences du demi-État que l’histoire lui a laissées, le Québec désire simultanément élargir son action à celle d’un État souverain et la dépasser dans le champ mondial où se joue en définitive le destin de l’homme. Ainsi, la dynamique interne globalisante du politique nous amène à intégrer dans le projet d’une indépendance d’ici, une vision du monde qui assigne comme but au politique le bonheur de l’homme.


Reprenant le mot de Saint-Just sur l’Europe, nous pourrions dire : Maintenant, le bonheur est une idée nouvelle dans le monde. Dans un monde qui, à travers les déchirements, les dangers et les menaces, tente tragiquement de retrouver l’unité, la liberté, la justice, l’amour. Le Québec aura-t-il l’audace de participer pour sa part à l’effort prométhéen qui le sollicite ? Il y a pour nous un pari à faire sur l’avenir. Le refus d’un tel pari nous obligerait à nous nier nous-mêmes.
L’accepter, c’est nous décider à aller jusqu’au bout de nous-mêmes.
L’indépendance est indissociable d’un appel à la grandeur.
La grandeur c’est de choisir toujours et partout, pour soi et pour les autres, la LIBERTÉ.

Sources : « Vive le Québec libre !», Débats de l’Assemblée législative du Québec - session 1966-67, vol. V, n° 98, p. 4995.

« Pour une politique étrangère du Québec », Liberté, vol. X, n° 2, mars avril 1968, p. 25-32.
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