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vendredi 3 janvier 2014

LES SOLDATS D'ALLAH...



Une analyse du livre qui a révélé Djemila Benhabib,
une grande militante québécoise.

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http://action-nationale.qc.ca/
 
Djemila Benhabib

Les soldats d’Allah à l’assaut de l’occident


http://www.edvlb.com/Soldats-Allah-assaut-Occident/Djemila-Benhabib/livre/9782896493135

   Le 11 septembre 2001 a marqué l'irruption spectaculaire de la violence des soldats d'Allah en Amérique, dans le combat - le djihad - qu'ils mènent depuis longtemps pour faire prévaloir une vision politique qui rejette bien des valeurs que les Occidentaux tiennent pour acquises: la séparation du politique et du religieux, l'égalité des hommes et des femmes, l'égalité de tous les citoyens face à la loi indépendamment de leurs convictions religieuses... 

   Djemila Benhabib revient sur l'histoire des peuples de culture musulmane pour montrer comment l'islam politique en est venu à supplanter les mouvements démocratiques et féministes, qui étaient pourtant apparus au Moyen-Orient en même temps qu'en Occident. Elle souligne la part de responsabilité des États-Unis dans ce gâchis, eux qui ont renié leurs valeurs fondatrices pour s'assurer en approvisionnement stable en pétrole auprès de l'Arabie saoudite qui finance les réseaux islamiques les plus réactionnaires. Elle fait l'histoire de l'implantation en Europe et en Amérique des Frères musulmans et de leur stratégie pour imposer l'intégrisme islamique sur la place publique, en tirant parti des chartes des droits et de la promotion du multiculturalisme. Elle se sert de l'exemple québécois pour illustrer comment les bien-pensants de gauche et autres partisans de la "laïcité ouverte" deviennent les alliés objectifs, les « idiots utiles », de ces dangereux militants antidémocratiques. 

   Dans un récit en arabesque qui passe du général au particulier, qui entremêle l'analyse des idéologies aux exemples de leurs conséquences réelles sur les individus, en Égypte ou en Iran aussi bien qu'au Québec ou en Belgique, Djemila Behabib lance ici un appel à la vigilance démocratique et un plaidoyer sans concession pour la laïcité.

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«Je sais que l’avancée des voiles islamiques, c’est le recul de la démocratie et la négation des femmes. Je sais que l’islam politique n’est pas un simple mouvement fondamentaliste, mais un mouvement politique totalitaire qui a pour visée d’engloutir le monde après avoir avalé la démocratie (p. 295) ».
   Les États arabo-musulmans sont sujets à un déterminisme assez remarquable : lorsque la porte de la démocratie s'entrouvre, ce sont les mouvements islamistes qui entrent. La Palestine, avec le Hamas, l’Irak, l’Égypte, la Syrie, la Tunisie, le Maroc, pas une de ces nouvelles démocraties n’a échappé à cette tendance lourde. Le cas de l’Égypte est le plus frappant: les Frères musulmans, dont la modération est très limitée, et le parti salafiste, carrément intégriste, cumulent plus de 60% du suffrage aux dernières élections, de quoi faire retourner dans sa tombe le très nationaliste Gamal Abdel Nasser! Bien sûr, la plupart de ces partis se sont réclamés d’un islamisme modéré, mais si on gratte un peu on découvre que derrière cette profession de foi se cachent souvent de vieux démons intégristes.

   Ainsi, le Parti de la Justice et du Développement (PJD) qui a dernièrement pris le pouvoir au Maroc se réclame de la modération. C’est pourtant ce même parti (alors que le Maroc révisait en 2004 le Code de la famille) qui s’opposait à ce que l’âge du mariage des jeunes filles passe de 15 à 18 ans ainsi qu’à la suppression de la polygamie et défendait la tutelle des hommes sur les femmes. On peut par conséquent se demander si cette modération affichée ne cache pas une intention intégriste. Cette intention qui concerne l’intérieur du monde musulman pourrait aussi bien viser l’extérieur, et particulièrement le monde occidental. C’est en tout cas ce que laissaient supposer les déclarations de Tariq Ramadan, un éminent intellectuel organique de l’islamisme en occident, le 27 juillet 2011.

   Avant qu’il ne prenne la parole dans un hôtel de Dallas, on fit sortir de la salle les non-musulmans qu’on put identifier même s’ils avaient acheté leurs billets et qu’ils ne manifestaient pas d’écarts de conduite. Se sentant en confiance, Ramadan déclara alors à ses partisans: «Ça devrait être nous, avec notre compréhension de l’Islam, avec nos principes qui colonisons positivement les États-Unis d’Amérique.» (Point de Bascule, 20-09-2011).

   Dans le même ordre d'idée et quelques années avant, une fatwa publiée sur IslamOnLine en 2002 et archivée sur MEMRI (http ://www.memri.org/report/ en/o/o/o/o/o/o/774.htm), le guide spirituel des Frères Musulmans et mentor de Tariq Ramadan, Youssef Qaradawi, avait déjà fait état d’un plan formel de conquête de l’Occident en établissant un parallèle entre les offensives islamiques militaires du passé et les offensives islamiques idéologiques du présent :

L’islam va retourner en Europe comme un conquérant et un vainqueur après en avoir été expulsé à deux reprises, une fois au sud en Andalousie (Espagne — 1492) et une seconde fois à l’est quand il frappa à plusieurs reprises aux portes d’Athènes (1830). [...] Cette fois-ci, je maintiens que la conquête ne se fera pas par l’épée, mais grâce au prosélytisme et à l’idéologie.» (site Point de Bascule «La conquête de l’Occident par le jihad idéologique» http://poin- tdebasculecanada.ca/articles/i346.html)
   Ce sont ces craintes et la crainte de l’islam politique qui alimentent les propos de Djemila Benhabib dans Les soldats d'Allah à l’assaut de l’occident, un ouvrage de près de 300 pages, abondamment documenté. Sa thèse est relativement simple: le mouvement islamiste radical veut conquérir le Moyen-Orient, mais il est également engagé dans une islamisation de l’Occident. Il a bien entendu recours pour cela au terrorisme, mais également à tous les moyens légaux institutionnels que fournissent les démocraties occidentales. Cet islamisme politique enrobe son discours d’une rhétorique rassurante trompeuse et sa stratégie se résume en un mot, «taqiyya», une expression qui a le sens de tromperie justifiée envers les non-musulmans.

   Ce sont les milliards de l’Arabie Saoudite qui permettent la montée foudroyante de l’islam politique depuis une quarantaine d’années et les Frères musulmans, dont le mouvement fut fondé en 1928 par Hassan al-Banna, en sont le fer de lance. Pour ce dernier, les piliers centraux de la société devaient être le statut de la femme et la morale sexuelle. D’après Benhabib, en se servant de «taqiyya» (la tromperie) et en appliquant la parole du Prophète: « la guerre est ruse », les frères et leurs adeptes ont grugé la société égyptienne de l’intérieur (hypothèse que les dernières élections semblent valider fortement.)

   Pour étayer son propos, madame Benhabib, dont la famille d’ailleurs avait été condamnée à mort par les islamistes en Algérie en 1994, divise son texte en deux grandes parties. Elle traite premièrement du monde islamique et de la percée «foudroyante» de l’islam politique. Elle s’étend ensuite longuement sur l’état de la question musulmane au Québec. En la lisant, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le livre de Sami Aoun, Le retour turbulent de Dieu, dont nous avons parlé dans Les Cahiers de lecture de l’automne 2001. Le ton de Sami Aoun m’a paru cependant plus modéré, davantage enclin au dialogue entre religions.
   Benhabib est plus incisive, elle assimile carrément l’idéologie wahhabiste à l’idéologie fasciste et soutient que la zone de dialogue semble radicalement réduite. Elle démontre très bien comment les tentatives rationalistes et modernistes au fil des siècles ont été laminées par les puissants courants orthodoxes. Elle s’attarde beaucoup sur la question de la condition des femmes tant la question féministe occupe une place centrale, sinon obsessionnelle, dans l’islam politique. Il faut lire à la page 30 la partie intitulée : « Les idiots utiles au service du fascisme vert»; le fascisme vert étant le régime islamiste iranien.

Bientôt les milices vont scruter la moindre parcelle du corps dénudé des femmes. Alors que leur sexe est déjà devenu une affaire d'État, à celui des hommes se rattache la promesse d’Allah avec ses 72 houris (ou 70 selon certaines sources) aux grands yeux, à la peau blanche, et aux vulves appétissantes. Dans ce paradis hyper sexualisé, les houris restent toujours vierges et le pénis des élus ne faiblit jamais. Le sperme gicle et regicle. Bref, érection et jouissance sont éternelles. Les délices de l’au-delà sont réservés aux plus méritants. Ici bas, tous s’attellent à servir Allah (p. 30-31).
   Et les idiots là-dedans ? Et bien selon Benhabib ce sont les bien pensants, de gauche en général, qui, en fermant les yeux sur ce que le régime des ayatollahs avait de moyenâgeux l’ont en partie cautionné. Michel Foucault, lui-même, (le grand Foucault!), ne voyait-il pas dans la révolution islamiste ce qui faisait défaut à l’Europe, c’est-à-dire «une spiritualité de la politique (p. 31) » ?

   Djemila Benhabib décrit très bien les facteurs endogènes à l’origine de l’islam politique sans négliger pour autant les facteurs exogènes, et en particulier le rôle de la Grande-Bretagne et des États- Unis. La cécité de ces derniers paraît, a posteriori, fort troublante. Benhabib insiste sur l’idée que la montée de l’islamisme politique ces dernières années est tributaire de l’argent de l’Arabie Saoudite.

Pendant les années 1980, l’Arabie Saoudite a dépensé quelque 75 milliards pour la propagation du wahhabisme, le financement d’écoles, de mosquées et d’organismes de bienfaisance partout dans le monde islamique (Mai Yamani, «extremist ideology can only revive bin Laden's ghost» The Daily Star, 5 mai 2001), cité par Benhabib, p. 164.
   Mais cela n’a pas empêché le soutien des Américains à une des pires théocraties du monde. Selon l’auteure, les Occidentaux et les Américains en particulier, ont fait deux erreurs historiques: avoir signé en 1945 un pacte avec l’Arabie Saoudite garantissant aux Américains un accès au pétrole arabe en échange d’une protection militaire, et avoir armé les résistants afghans durant l’occupation soviétique. Zbigniew Brzezinski, l’ancien secrétaire de Carter pour la sécurité, ne déclarait-il pas au Nouvel Observateur le 15 janvier 1998 que c’était une sottise de croire qu’il existait un islamisme global (p-157)?

   Benhabib examine finalement la société québécoise à travers une centaine de pages «serrées». Là encore, elle se distingue de Sami Aoun pour qui les politiques québécoises en la matière semblaient plutôt satisfaisantes. Le constat de Benhabib est moins optimiste, pour ne pas dire catastrophiste. Elle considère que le Québec a mis les doigts dans l'engrenage et qu’il est à la croisée des chemins. Elle disserte évidemment abondamment sur le fameux voile islamique et fustige la dérive communautariste de la Fédération des femmes du Québec et de Québec solidaire. L’auteure décrit également la stratégie des porte-parole féministes islamistes qui consiste à victimiser les musulmans tout en culpabilisant les Québécois. 
   Son analyse sur l’influence qu’exerce Tariq Ramadan sur les féministes islamistes est troublante, sinon édifiante. Elle crucifie évidemment les tenants de la laïcité ouverte et la commission Bouchard-Taylor et s’attarde ensuite sur la complaisance de la gauche féministe et de la gauche radicale envers les islamistes. On ne peut s’empêcher là de faire une analogie avec les idiots utiles de la révolution islamiste iranienne. L’essayiste se penche sur le personnage Khadir, déchiré, selon elle, entre un antiaméricanisme primaire, une haine d’Israël, un penchant pour la révolution, même si elle est islamiste, et une certaine conscience de la dimension rétrograde du discours islamiste.

Que reste-t-il au juste chez Khadir de cette sensibilité à l’Islam politique ? Cette page est-elle vraiment tournée ou y a-t-il encore chez cet agitateur enflammé un vieux fond islamiste qui imbibe son schéma de pensée? À analyser son cheminement, il semble fort probable que les vieux réflexes aient la peau dure et qu’ils ressurgissent aux moments clés de nos débats politiques (p. 282).
   Djemila Benhabib reconnaît qu’au Québec rares sont les personnalités publiques de culture musulmane ou arabe qui sont capables d’assumer pleinement l’autonomie de leur jugement vis-à-vis leur communauté d’origine. Amir Khadir n’échappe peut-être pas à ce déterminisme. Sa sympathie pour Tarik Ramadan, l’honneur qu’il a reçu de la part de la Fédération des Canadiens musulmans, sa défense du voile islamique ainsi que son ambiguïté vis-à-vis la théorie du complot en ce qui concerne les évènements du 11 septembre, en témoignent. En défendant une laïcité radicale et un anti-islamisme sans concession, Djemila Benhabib s’est quant à elle extirpée de cette solidarité clanique, c’est le moins qu’on puisse dire !

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