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mardi 27 novembre 2012

RÉPUBLIQUE ET RÉPUBLICANISME

Pour préparer la République du Québec.

Une définition de la République et du républicanisme. 


RÉPUBLICANISME

  Le terme république se définit par opposition à la monarchie. Le roi exerce une autorité personnelle sur ses sujets, et dirige son royaume comme s’il s’agissait de sa possession, tandis que dans la république, le gouvernement est, en principe, la chose publique (respublica), aux mains de l’ensemble des citoyens.

  Bien que la monarchie ait été la forme de gouvernement la plus fréquente dans l’histoire, l’idée républicaine existe en Europe depuis la naissance des cités grecques. C’est toutefois à Rome que se constitue véritablement une idéologie républicaine. Les théories opposent d’abord la république romaine au règne personnel des rois, puis plus tard à celui des empereurs. Les orateurs, les écrivains satiriques et les historiens en font un mythe, où la gloire militaire s’allie à la liberté et la vertu. Les citoyens romains étaient libres en ce sens qu’ils n’étaient pas soumis au pouvoir arbitraire des tyrans, et qu’ils avaient le droit de diriger leurs affaires en participant au gouvernement. La vertu c’est le patriotisme, et le sens de l’intérêt public, une volonté héroïque de placer le bien commun au-dessus de ses intérêts personnels et de ceux de sa famille. Ceci est illustré dans les écrits de Tite-Live et Plutarque.

  De nombreux républicains, tel Saluste, estiment que la liberté de Rome s’expliquait par la vertu des citoyens, et qu’elle a été perdue par la corruption liée au développement du luxe. D’autres auteurs fournissent des explications plus centrées sur les institutions et montrent la complexité du système politique romain. L’idéal de la constitution mixte, tel qu’il se dégage des Lois de Platon et ensuite dans les écrits d’Aristote, est développé par Polybe. Celui-ci affirme qu’un cycle perpétuel des gouvernements se répète indéfiniment à moins que ce mouvement ne soit arrêté par l’équilibre de ses différentes composantes. Rome avait su trouver l’équilibre entre les éléments monarchique, aristocratique et démocratique. La théorie républicaine classique a repris cette idée.

  Le républicanisme, qui s’efface au profit du monarchisme chrétien pendant un millénaire, revient à la fin du Moyen Âge, avec l’épanouissement des cités-États de l’Italie du Nord. Les théoriciens républicains s’appuient sur diverses sources. Marsile de Padoue emploie des concepts aristotéliciens pour prôner la souveraines populaire. Les juristes Bartolus et Baldus montrent que l’on peut transformer l’approche monarchique du droit romain en une approche républicaine simplement en considérant la cité comme le souverain légal de son territoire. Les humanistes florentins appliquent le mythe de la République romaine à leur situation, et proclament que l’idéal politique par excellence est la liberté politique d’une république qui s’auto-gouverne.

PENSÉE POLITIQUE DE LA RENAISSANCE.

  Le républicanisme de la Renaissance se développe alors que les cités italiennes tombent peu à peu sous la férule des princes. Au début du xvie siècle, la liberté républicaine est extrêmement rare, artificielle et fragile, et susceptible de disparaitre à la suite d’un simple revers de fortune. Devait cette difficulté à assurer la liberté civile, les auteurs florentins ont proposé deux approches complémentaires, l’une morale, l’autre institutionnelle. Tout d’abord, Machiavel et Guichardin estiment qu’une république stable est impossible sans vertu patriotique. Les citoyens doivent placer le bien public au-dessus de leurs intérêts privés, éviter les disputes de faction, et se préparer à combattre pour leur patrie, sans recourir à des mercenaires pour leur défense. 

  Le patriotisme, entretenu par une participation continue aux affaires publiques, doit être leur véritable religion de préférence à la religion chrétienne. Ensuite, de nombreux républicains suggèrent d’avoir de sages institutions. Giannotti explique le succès et la stabilité de Venise par sa constitution. L’association doge-sénat-conseil peut être interprétée comme une combinaison classique d’éléments de la monarchie, de l’aristocratie et de la démocratie. Machiavel, qui s’intéresse plus à Rome qu’à Venise —trop statique— suggère que les tensions entre les patriciens et le peuple peuvent contribuer à la grandeur de l’ensemble dans un système dynamique.

  Pendant les deux siècles qui suivent la chute de la République de Florence en 1530, les idées républicaines ne sont plus qu’un courant mineur de la pensée politique européenne dominée par les problèmes des relations entre les rois et leurs sujets. En 1656, lors de la guerre civile anglaise Harrington écrit une utopie républicaine, Oceana, qui montre une grande confiance dans la mise en place d’institutions politiques pour garantir la liberté et qui adapte la constitution mixte de l’Antiquité à la situation contemporaine. Harrington a influencé la pensée curieusement, semi-républicaine de nombre de penseurs britanniques du XVIIIe  siècle. Les juristes se représentent généralement la politique de la période dans laquelle ils vivent en termes classiques. Ils voient la couronne et le parlement comme une forme de constitution mixte. Les nobles des Comtés sont en quelque sorte comparés aux citoyens romains, la cour et la dette publique représentent le luxe et la corruption qui détruisent les États libres.

  Malgré l’hypothèse traditionnelle selon laquelle le gouvernement républicain ne convient qu’à de petits États-cités, l’existence d’un discours sur la république a aidé les révolutionnaires américains à voir dans la république la solution de leurs problèmes.

  Le changement d’échelle est un des aspects sur lequel l’idéologie républicaine se transforme au cours des révolutions américaine et française. La république concerne désormais de vastes nations, et plus seulement des cités-États. Les républicains invoquent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La participation directe des citoyens est remplacée par la représentation de la volonté populaire, tandis que l’optimisme et la foi dans le progrès succèdent au pessimisme de l’Antiquité.

  Jusque-là, les républiques avaient été considérées comme des exceptions à l’ordre monarchique, exceptions qui ne se produisaient que dans des circonstances particulières et généralement pour de brèves périodes. Le succès américain signifie que la République devient une alternative universelle à la royauté. Alors que les républicains classiques avaient une vision cyclique de l’histoire, leurs successeurs devinrent confiants dans le progrès des lumières qui sapaient les fondements, à la fois des Églises et des rois. Cette foi était si forte que même l’échec de la Révolution française ne pouvait la détruire.

  Curieusement, Rousseau (Jean-Jacques) si pessimiste et en fait le dernier républicain réellement classique devint le prophète d’une nouvelle foi promettant l’avènement de la volonté générale du peuple souverain. Les républicains français, à la fin du XVIIIe siècle, s’inspirent de Rousseau et adoptent un ton moraliste. Pour Robespierre et Saint-Just, qui se comparent aux Romains, et qui reprennent les valeurs de la vertu et du dévouement à la patrie, la liberté est positive, tournée vers la vie communautaire plus que vers l’individualisme. Un demi-siècle plus tard, Tocqueville estimera qu’une vie privée trop prenante est un danger pour la liberté républicaine, et que la participation des citoyens à la vie politique permet d’y échapper.

  Le républicanisme, à la fin du XVIIIe  siècle, prend aussi des formes plus bourgeoises, en mettant l’accent sur le patriotisme et l’équilibre des pouvoirs institutionnels, Madison qui défend la nouvelle constitution américaine qui s’inspire de la théorie républicaine du gouvernement mixte, estime qu’il est utopique d’aspirer à l’unanimité des citoyens. Pour éviter les luttes de factions, qui ont été si néfastes aux régimes républicains, il faut élaborer des institutions où les intérêts s’équilibrent. Bentham et ses disiples, avec moins de respect pour la tradition des vertus civiques, conçoivent la république comme une simple affaire de gestion des problèmes de gouvernement. Estimant que l’homme politique est guidé par son intérêt personnel, il pense qu’une autorité irresponsable est dangereuse et qu’un bon gouvernement peut être garanti en rendant les postes de pouvoir électifs et sous le contrôle permanent des mandants.

  Au XIXe siècle, l’idéal républicain reste un idéal qui s’oppose aux régimes monarchiques, au XXe siècle, cette approche a virtuellement disparu pour partie parce qu’il n’y a plus de roi absolu à combattre, pour partie parce que l’ancienne conception de la république (dans laquelle la participation à la vie publique était plus importante que la vie privée) n’attire plus les libéraux qui ont adopté des conceptions plus négatives et plus individualistes de la liberté. Au cours des années récentes, cependant, les idéaux républicains classiques et en particulier la conception de la liberté comme une affaire publique plutôt que privée ont été ranimés par Hannah Arendt. Plus généralement, un nouveau pessimisme et une nouvelle insistance sur l’importance de la culture politique comme condition de la liberté publique rappelle les thèmes républicains classiques sur la fragilité des républiques et sur le rôle de la vertu pour maîtriser le hasard.


SOURCE :  
 
 

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Le point de vue d'un spécialiste de science politique à l’Université du Québec à Montréal, le Pr Marc Chevrier.

La République québécoise



La République est la grande oubliée de l’histoire politique du Québec, comme si cette idée qui a inspiré tant de peuples dans le monde n’avait rien à nous dire ici. Pour Marc Chevrier, introduire la République dans nos débats, ce n’est pas seulement deviser sur le remplacement de notre monarque constitutionnel par un président élu, c’est s’interroger sur les fondements de notre démocratie. Dans cette perspective, il étudie d’abord un phénomène paradoxal, le « monarchisme québécois », qui se signale par un penchant à séparer l’État de la communauté des citoyens et par un climat intellectuel particulier, ultramontain, où les lumières, en toutes choses, ne peuvent venir que d’ailleurs. 

Il fouille ensuite dans le lointain passé de la Nouvelle- France, cette autre grande incomprise, qui constitue peut-être un fascinant embryon de république moderne, commencée par le choc entre le monde européen inégalitaire et l’univers indien sur lequel plusieurs penseurs européens ont projeté des fantasmes de liberté naturelle. 

Il trace les chemins à prendre pour fonder une République du Québec et essaie d’en esquisser quelques traits à travers un certain nombre de questions qui se poseront nécessairement aux constituants, peu importe qu’il s’agisse d’une république indépendante ou d’une république qui, appuyée par un référendum majoritaire, aurait à redéfinir sa place à l’intérieur d’un Canada sommé à son tour de se repenser. 

Il pose enfin la question, délicate : une culture patriote du bien public au Québec est-elle encore possible ? 

Parution : 23 octobre 2012, 416 pages
ISBN-13 : 9782764621837
Voir : La République québécoise
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